LE TRAVAILLEUR CATALAN

Ils ne sont pas ma tasse de thé. Mes relations avec ces gens-là sont rares, pour ne pas dire inexistantes. Je m’en méfie. Sur eux repose pourtant en grande partie le fonctionnement de notre justice. Ils sont au cœur de la séparation des pouvoirs, fondement de notre démocratie entre le législatif qui fait les lois, l’exécutif qui les applique et le judiciaire qui les fait respecter. Si vous transgressez la loi, vous aurez affaire à eux, les procureurs de la République, qui décideront d’enquêter, de vous poursuivre, de vous confronter à un juge auquel il demandera de vous punir. Ils sont la loi et son application. Ils ont la discrétion des gens efficaces et sont rarement connus du grand public. 

François Molins 

« Au nom du peuple français »

À quelques exceptions près : ainsi François Molins qui fut avocat général de Paris pendant toute la période des attentats terroristes.  Ses interventions étaient publiques et très suivies. Il vient de publier une autobiographie professionnelle intitulée « Au nom du peuple français » où il relate, retraité, les moments marquants de sa carrière. Tout y passe, de son premier poste de substitut du procureur à Carcassonne, jusqu’à sa nomination en novembre 2018 comme procureur général auprès de la Cour de cassation, « le plus haut du parquet au sein de la magistrature », comme il le dit lui-même que certains comparent à un « Cimetière des éléphants ».

Une leçon civique

Dans son livre, l’éléphant montre qu’il a de la ressource, il y expose sa conception de la justice, les évènements marquants, tragiques qu’il a eu à gérer et son approche républicaine… « au nom du peuple français ». C’est un témoignage, mais c’est aussi une leçon civique, née dans des moments très difficiles : je pense qu’elle peut être nécessaire aux citoyens que nous sommes. J’ai dépassé mes réticences initiales et j’ai pris de l’intérêt à le lire. Un intérêt à faire partager. Je pense qu’il est utile d’en parler, simplement comme il l’a fait lors de la présentation de son livre à Perpignan. François Molins est un produit de la faculté de Perpignan, il y fait son droit avant d’intégrer l’école de la magistrature à Bordeaux ; Il choisira le parquet où il pourra connaître des postes qui formeront ses convictions républicaines. L’Aude où la crise viticole le confronte aux pressions politiques faites sur la justice. La Cerdagne où il se prend de passion pour la montagne. Montbrison dans la Loire où il prend conscience des faiblesses des magistrats. La Bourgogne, la Corse dès 1991, il y mesure toutes les difficultés à y instaurer un ordre juridique. Puis Lyon, les affaires politico-financières l’attendent, dans le même temps il voit les premiers signes de la montée de l’islamisme, il veut rester un magistrat de terrain. Ce même souci l’anime quand il devient procureur à Bobigny dans le 9.3., il l’appelle le département monde. 

Le terrorisme

Il deviendra le procureur de Paris qui aura à traiter des affaires de terrorisme, pas seulement il y aura avant les affaires : Cahuzac, Bygmalion, Benalla. Mais les années noires de sa carrière, comme du pays, viendront du terrorisme islamique qui vise à déstabiliser nos institutions. Des militaires abattus à Toulouse, à Montauban. Des élèves d’une école juive à Toulouse et un enseignant, assassinés. La traque du coupable : Mohamed Merah est abattu. Cet événement permet une connaissance plus précise du terrorisme, de ses liens avec l’étranger.

Les attentats tragiques s’enchaînent : Charlie Hebdo, l’Hypercacher, le Bataclan, Nice… Il cherche la mise en place de structures adéquates pour y répondre. 

La sobriété du propos devant l’horreur absolue. Une compassion jamais éteinte, dominée. Le souci de parler, d’informer, de jouer tout son rôle au cœur des enquêtes. Une maîtrise des médias qui l’étonne lui-même. Toujours la retenue et l’objectivité. Devant une pression de dizaines de morts, de centaines de blessés. Avec la volonté assumée de préserver l’État de droit, de partager les souffrances des victimes, de leurs proches, d’un peuple qui sur le moment ne comprend pas.

Molins donne un témoignage direct du pouvoir judiciaire avec humilité et efficacité : il est dans ce livre une parole qui éclaire les temps troublés que nous vivons. Elle est à écouter.

Jean-Marie Philibert

 
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