
Les « vatenguerres » ont, ici, la parole comme jamais. La conquête de la terre. La soumission des peuples. La vénération des chefs. Les alliances à leurs bottes. Les superpuissances en action. Les principes bafoués. Les horreurs habituelles. Les exils qui n’ont que trop duré. L’incertitude du lendemain. Les discours martiaux. Les petites phrases assassines, pas que les phrases d’ailleurs. Les blessures ouvertes. La mort comme paysage. Les impossibles discours de paix. La nécessité de faire face. L’inéluctable inscrit dans le temps. Chacun raconte la sienne comme si elle était là. La confusion règne. Les consciences sont inquiètes.
Lucidement
Et si on faisait un petit effort de lucidité. L’ogre russe veille jalousement sur son voisinage immédiat qu’il grignote comme s’il était chez lui, autour de la mer Noire, il a annexé des terres, a créé des dissensions. Il a recommencé en Ukraine, misant sur une occupation éclair… Et puis patatrac, les Ukrainiens ont résisté, ont eu des soutiens, des alliés, une volonté d’indépendance qui a surpris l’ogre russe et qui a installé une guerre de résistance durable avec l’aide des pays du bloc atlantiste. La disproportion des forces en présence pouvait difficilement laisser percevoir une mise au pas de l’ogre, d’autant que le conflit se limitait à la Russie et l’Ukraine que ses soutiens étaient seulement financiers et matériels.
Trump, le trouble
L’élection du Trump aux États-Unis a bouleversé ces données, en renversant les alliances et en cherchant à mettre fin à ce conflit où l’ogre russe semble le fasciner. Sans méthode, avec brutalité, il se fait fort de faire la paix en quelques jours dans un dialogue d’homme à homme avec Poutine, laissant à l’Ukraine et à l’Europe le rôle d’accommoder les restes avec leur assentiment de super-puissances. On y est. Dans l’impasse ! Sans négociations de paix, sans projet commun, dans l’incertitude généralisée qui pousse à la guerre les naïfs que nous sommes. Trump parle même de troisième guerre mondiale, Macron nous alerte, il parle de notre bombe, les dirigeants européens préparent les armes. Comme si, seule, la guerre pouvait sortir de la guerre.
Des ornements factices
Comme si les peuples n’avaient pas leurs mots à dire. Comme si les horreurs passées n’avaient pas laissé de douloureuses traces. Comme si les valeurs construites et partagées devaient compter pour du beurre. Comme si le respect des frontières n’était pas un principe intangible. Comme si chaque peuple n’était pas capable de choisir librement son destin. Comme si la démocratie, la justice, le progrès social étaient des ornements factices et secondaires pour des temps de paix illusoires.
Les tentatives de Trump vers une « paix » rapide sont le pendant des ambitions de Poutine pour couper l’herbe sous les pieds des pays européens, pour en faire des marchepieds à leurs ambitions d’un autre âge pour dominer le monde sans vergogne. Nos « vatenguerres » perdent un peu les pédales en oubliant qu’il importe avant tout de dresser les perspectives d’une paix durable et solide. Elle ne sera pas magique, mais construite dans la solidarité de tous. Lucidement.
Jean-Marie Philibert