LE TRAVAILLEUR CATALAN

À 102 ans, Soulages nous a quittés, mais il ne nous laisse pas seuls. Le propre des artistes  est de nous laisser en partage un héritage, héritage pour toutes les générations futures, et un témoignage pour tous ceux qui, de son temps, l’ont suivi, regardé, admiré, critiqué, ignoré, peu ou mal compris. Témoignage et héritage qu’il n’est pas inutile d’interroger parce qu’il suscite plus de questions que de réponses : c’est la force de l’art de notre temps que de nous laisser souvent pantois devant des silences qui nous échappent.

Chercher

Avec la plus grande simplicité, et avec une économie de couleurs rare, Soulages s’est complu dans une démarche faite plus pour nous surprendre que pour nous séduire. Avec du noir, du noir et du noir, il a poussé la peinture dans ses ultimes retranchements, aux antipodes de toute représentation académique et bien plus loin que toutes les fantaisies de l’art non figuratif. Dans l’obscurité de ses tableaux, il a inventé une lumière paradoxale qui brillait des mille feux intérieurs d’un artiste riche, profond et humain à la recherche de lui-même. Le paradoxe n’est pas seulement dans la lumière : il est aussi dans la puissante spiritualité émanant d’œuvres qui la transfigurent dans un « outrenoir » comme il dit, qui fut sa marque de fabrique, après avoir été l’objet de recherches inlassables sans compromission avec l’air du temps et les modes en cours.

Écoutons Soulages

Sa peinture est un « champ mental »… « Il n’y a rien à raconter sur mon tableau, il y a à ressentir… »

« Ce que l’on voit devant mes toiles, c’est de la lumière transformée, transmutée par le noir. Une lumière qui vient du mur vers celui qui regarde. Du coup l’espace de la toile n’est plus sur le mur, comme dans la peinture traditionnelle, ou derrière comme dans une perspective. Il est devant »

J’ai envie d’ajouter devant nous comme un être vivant.

Allez à Rodez

Si vous faites le voyage de Rodez, ville natale de Soulages, où la générosité de l’artiste et de son épouse a permis que soit créé un musée à son nom, dans une bâtisse en acier Corten qui est à l’image de son œuvre, vous pourrez rencontrer ces êtres et participer d’un dialogue qui enrichit, multiplie nos vies, sans les limiter à une image figée. Vous verrez aussi l’élaboration par l’artiste des vitraux qui lui avaient été commandés pour l’abbatiale de Conques, il ne se sert plus du noir pour y fabriquer sa lumière, il se sert du verre, travaillé et retravaillé, pour y faire disparaître toutes les couleurs et en multiplier les sens.

Pour que votre illumination soit complète, allez jusqu’à l’abbatiale de Conques, vous nourrir d’une clarté à nulle autre pareille. Rassurez-vous, elle ne tient pas du surnaturel, elle est œuvre humaine. Elle est l’œuvre d’un homme qui a su aussi participer aux combats de son temps, qui a su faire partager les capacités de son pouvoir créatif. Elle est une richesse qu’il veut nous faire partager.

Jean-Marie Philibert

 
Cet article est en lecture libre. Pour avoir accès à l'ensemble du site, merci de vous connecter ou vous inscrire

ARTICLES EN LIEN

Après le choc des savoirs, la réduction de la formation des enseignants - L’éducation nationale n’a pas un ministre, elle en a trois. Chacun y va de son idée géniale qui va tout arranger sans que cela coûte un kopeck, et même, cerise sur le gâteau, si l’idée…

Après le choc des savoirs, la réduction de la formation des enseignants Lire la suite »

Les citoyens vigilants - Il fait flèche de tout bois. Il est bien sûr dans la politique, même s’il ne reconnaît pas toujours sa droite et sa gauche, qu’il confond avec la droite. ...

Les citoyens vigilants Lire la suite »

De l’eau ! De l’eau ! - L’examen minutieux et régulier des bulletins météo de la télé vous a sans doute appris que la France a passé une grande partie de son hiver sous la flotte, que des régions comme le Pas-de-Calais…

De l’eau ! De l’eau ! Lire la suite »

Une humeur baroque - Pour la rubrique de l’humeur dans laquelle mes petits copains de la rédaction m’ont propulsé depuis des mois et des mois et même un peu plus, je me vois questionné à la fin de chaque…

Une humeur baroque Lire la suite »

Le jeu, la chandelle, la gageure et l’utopie - Face à la difficulté des temps, la voie la plus facile est celle de la simplification, du schématisme, des formules toutes faites, des solutions « évidentes » et vides qui sont aux antipodes de l‘esprit…

Le jeu, la chandelle, la gageure et l’utopie Lire la suite »

Le psittacisme : une maladie ? - Face à la difficulté des temps, la voie la plus facile est celle de la simplification, du schématisme, des formules toutes faites, des solutions « évidentes » et vides qui sont aux antipodes de l‘esprit…

Le psittacisme : une maladie ? Lire la suite »