Il est inhabituel, dans nos colonnes, d’évoquer ainsi, sans artifices, les souffrances vécues, les fragilités circonstancielles, les abattements profonds de femmes, de jeunes et d’hommes qui osent, aujourd’hui, se raconter et dire un peu de leurs vies.
Il ne s’agit donc pas, dans ce texte, d’éclairer les colères légitimes, de donner à lire les mouvements d’humeur, d’argumenter les revendications de groupes, de syndicats ou d’individus. Là, c’est autre chose. La détresse ronge et affaiblit la personne. Inexorablement. Profondément. Dans la chair et dans l’âme. Parfois même, elle fait naître et grandir un sentiment de culpabilité et de honte qui peut mener au pire. Elle est intime.
Chacun a pu lire, voir ou entendre l’un de ces témoignages troublants. Et ils sont, disons-le, de plus en plus fréquents. J’ai donc vu plusieurs fois ces derniers jours, « l’arboriculteur », « le vigneron » exposer au journaliste l’ampleur du désastre subi. Les premiers mots sont toujours techniques, où ils nous informent et parlent des faits. Le gel, la part de production détruite, les dégâts. Et puis on évoque l’avenir, les difficultés financières à venir, précisant quelques revendications d’ordre économique. Et puis… plus rien. Pendant quelques secondes, le silence s’installe, les mots ne sortent plus, l’émotion est visible et submerge un temps l’interviewé(e). Il n’est pas certain, qu’à ce moment précis, ce soit l’argent qui compte. Plus sûrement, c’est le travail détruit.
J’ai aussi vu et entendu quelques étudiant.e.s témoigner, tristes, étonné.e.s, désarçonné.e.s. « Je n’aurais jamais pu imaginer ça » disent-ils, faisant la queue pour récupérer des produits de première nécessité, et quelques produits alimentaires. Pas de travail, pas d’argent, peu de cours en présentiel, et la détresse qui s’insinue. L’impuissance. Quelques violents silences, là aussi, ont ponctué les témoignages. J’ai vu et entendu des ouvriers pleurer et dire leurs colères. On déménage leur usine en Hongrie. J’ai entendu des enseignants de 35 ans me dire que j’avais de la chance d’être retraité.
Mardi, dans le quotidien départemental, l’Indépendant, en page 17, dans la rubrique locale, Font Romeu-Odeillo-Via, il y avait un article intitulé : « UFR Staps : On va droit vers un drame humain » et signé par Frédérique Berlic. On y aborde le fonctionnement de l’antenne de l’établissement universitaire (Perpignan), le manque de moyens, et l’absence de réponses apportées aux nombreuses questions posées. Que dire ? Le témoignage est très impressionnant, poignant. La responsable administrative et le directeur s’expriment, librement. Des silences et des larmes ponctuent leurs explications. Le directeur conclut et espère : « Éviter un drame humain et une catastrophe à la rentrée prochaine ».
Soyons attentifs