LE TRAVAILLEUR CATALAN

Mixité sociale

Suite de l’interview de Nadège Figuerola parue dans le N°3953.

Avez-vous le sentiment d’une aggravation ?

Oui et non. J’ai plutôt le sentiment qu’en ce qui concerne les écoles non mixtes, rien n’a changé… à part l’implication des enseignants qui, pour « sauver leur peau », ne sont pas prêts à sacrifier leurs vies (même si beaucoup y consacrent encore énormément de temps et d’énergie).

L’aggravation se situe surtout au niveau des moyens alloués qui fondent comme neige au soleil et, surtout, le manque de réflexion collective sur ces sujets. Dans et autour de mon collège, plusieurs per-sonnes travaillent auprès de la population gitane (enseignants, éducateurs de quartier, coordonnateurs, police de proximité, associations de quartiers, etc.), mais nous n’avons quasiment jamais de temps pour croiser nos regards et travailler ensemble. Un colloque par-ci, une matinée pédago par-là, mais ça ne suffit pas pour créer une dynamique sur le terrain… Au mieux, ça donne bonne conscience à ceux qui les organisent ! Du coup, lorsqu’on bosse là-dedans, tout semble décousu et rien n’a véritablement de sens… Pour imager mon propos de manière humoristique, je dirais que tout le monde a la tête dans le guidon et pédale dans la choucroute ! (C’est pas comme ça qu’on va gagner le Tour de France !)

Quel vous semble être le vécu des élèves devant ce qui peut apparaître comme une exclusion, une ségrégation ?

Clairement, ils ne le ressentent pas ainsi parce qu’ils sont nés dedans et que leur vie a toujours été comme ça. C’est une sorte de normalité, une manière de vivre qui n’est pas comme les autres mais qui va bien à tout le monde. En ce qui concerne les gitans, ils sont tellement habitués à vivre entre eux qu’ils ne veulent pas être mêlés aux « païos ». C’est sans doute par peur et méconnaissance des autres, mais en tout cas c’est plus simple comme ça.

Bien sûr, certains gamins souffrent de cette situation car ils ont conscience que leur avenir est déjà tout tracé, mais on dirait qu’ils se font une raison et semblent l’accepter, de gré ou de force. Nous n’avons pas tellement de solutions à leur proposer, et c’est ça qui est le plus triste…

Ce qu’on peut faire, nous, en tant qu’enseignants, c’est leur apporter notre soutien et les encourager à aller plus loin en leur donnant des outils pour y arriver. Malheureusement, on sait que ces outils-là sont en plastique et ne leur suffiront pas pour affronter ce qui les attend. Parce que lorsqu’ on est du côté des laissés-pour-compte, il faut plus de forces et de courage que les autres, ne serait-ce que pour croire en ses rêves !

En conclusion et après relecture, je dirais que mon témoignage pourrait être rajouté sur la pile des « Désillusions » ! Comme tant d’autres je suppose, je suis désormais navrée de constater que l’immobilisme ambiant a fait ses preuves et que cette volonté de gestion économique et budgétaire a réussi à user celles et ceux qui n’ont jamais cesser de croire qu’un autre monde est possible…

Mon cartable n’est pas rempli de propositions super pertinentes avec des solutions clés en mains pour que tout le monde vive ensemble, mais dans ce cartable-là, y a plein d’amour pour des enfants aussi attachants que perdus… Au bout de 18 ans de bons et loyaux services dans l’éducation nationale, je crois finalement que tout ce qui nous tient, c’est tout ce qu’il nous reste : l’amour.

Propos recueillis par J.-M.P.

 
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