
Mayotte
S’appuyant sur l’emprise coloniale française aux Comores, le ministre de l’Intérieur s’apprête à lancer une opération de lutte contre l’immigration révélatrice de ses intentions au niveau national.
Des maisons marquées de croix et de numéros, les sirènes omniprésentes des véhicules de police, les discours de haine et la rumeur… l’île de Mayotte, dans l’archipel des Comores, vit depuis plusieurs semaines dans un climat de terreur.
Des méthodes d’un autre temps
Et ce ne sont là que les prémices de l’opération « Wuambushu », qu’entend lancer Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur. En shimaoré, la langue locale, cela se traduit par « reprise », mais peut également signifier « s’aventurer dans l’inconnu » ou encore « tuez-les », en langue swahili, comme l’indique Mohamed Bashrahil, président comorien de l’Alliance pour la démocratie et le progrès. L’objectif serait d’opérer, en l’espace de deux mois, un « décasage » massif en détruisant plus d’un millier de logements dans les bidonvilles et en expulsant leurs habitants – entre 2 000 et 25 000 selon les sources –vers les autres îles comoriennes. Beaucoup sont en situation irrégulière du point de vue français, mais pas pour la communauté internationale, qui ne reconnaît pas la légalité de l’administration française de l’île.
Une atteinte au droit français et international
« À Mayotte, les autorités dérogent continuellement à la loi », s’insurge Aline Charron, du Syndicat de la magistrature. « Ce sera de toute évidence une fois de plus le cas avec cette opération. » Les faits ne la font pas mentir. « On sait aussi qu’ils comptent commencer les destructions dans un quartier de Koungou déjà sous le coup d’un arrêté mais pour lequel une ordonnance de suspension a été prise, en janvier, par les tribunaux. Tout est fait pour esquiver la justice », dénonce Daniel Gros, référent local de la Ligue des droits de l’homme (LDH). L’absence de communication des autorités s’inscrit dans cette logique. « Elles jouent sur l’effet de sidération et empêchent toute anticipation, reprend Aline Charron. Si elles expulsent entre 300 et 400 personnes par jour, contre environ 80 habituellement, les personnes concernées n’auront le temps d’effectuer aucune saisine. » De nombreuses personnes en situation régulière pourraient ainsi être embarquées dans les bateaux de la PAF sans pouvoir faire valoir leurs droits. Darmanin cherche à séduire la frange la plus réactionnaire de la droite, quitte à caresser le RN dans le sens du poil. Il joue là, une partition dangereuse pour la démocratie.
Roger Rio