Intox
Ce qui ressort des débats autour de l’immigration, c’est l’obsession de fermer notre frontière et de « rendre la vie impossible » aux immigrés.
Le discours de l’extrême droite (grand remplacement, invasion, l’Autre dangereux), largement relayé par les médias, s’est imposé dans l’opinion publique malgré les contre-vérités assénées. Comme le dit Victor Hugo « c’est à la faveur de l’ignorance que certaines disciplines fatales passent de l’esprit impitoyable des théoriciens dans le cerveau des multitudes ». On pourrait aujourd’hui ajouter la manipulation à l’ignorance.
Mensonges et vérités
On parle d’invasion. Les chiffres, réels, et non ceux diffusés à longueur d’ondes, sont parlants : les immigrés représentent 0,4% de la population française contre 0,6% de moyenne dans l’UE. Un tiers vient d’un autre pays européen (35%)*. La France est donc très loin « d’accueillir toute la misère du monde ». Bien au contraire, de réformes en réformes, la France enfonce les immigrés dans la misère en leur refusant de plus en plus de droits.
Ce qu’on ne dit pas, c’est qu’ils contribuent à hauteur de 0,25% du PIB par leurs impôts et cotisations ainsi qu’à l’aide internationale au développement. On ne dit pas non plus que le coût des expulsions revient plus cher que les régularisations, par ailleurs très lucratives (600€/régularisé). Et on évoque rarement leur rôle dans l’économie.
Émigration, immigration
Le droit de circulation des hommes est inscrit dans la déclaration des droits de l’Homme de 1789. Or dans le monde d’aujourd’hui les biens, les capitaux, les informations circulent librement. Pas les hommes. Si le droit d’émigrer est reconnu depuis 1948, celui d’immigrer est soumis à la souveraineté des pays d’accueil. En France comme en Europe, les lois immigration qui se sont succédé ont toujours eu comme objectif de « réguler les flux », c’est-à-dire limiter l’accueil du nombre d’étrangers et en expulser un maximum. Objectif jamais atteint, les murs, physiques ou législatifs, n’empêchant jamais les gens désespérés de les franchir.
Les phénomènes migratoires ont toujours existé. Mais leur mondialisation est inéluctable. Nous sommes face à des défis géopolitiques, sociétaux et écologiques. Vouloir les ignorer relève de l’infantilisme, contraire à ce que devrait être une vision politique à long terme. Pour Catherine Wihtol de Wenden (politologue française, spécialiste de la question des migrations) la citoyenneté mondiale est la seule condition pour que « les phénomènes migratoires ne soient plus considérés comme une menace […] ou une utopie, mais une comme une clé d’un développement équitable ».
Anne-Marie Delcamp
*Source OCDE