LE TRAVAILLEUR CATALAN

Alors qu’ils n’avaient réclamé ni « la gloire, ni les larmes », Mélinée et Missak Manouchian vont enfin entrer au Panthéon. À travers cette décision, la France consent enfin à honorer la résistance communiste étrangère, quatre-vingts ans après que soient tombés sous les balles des nazis  les vingt-trois membres des FTP-MOI*. Cet acte de mémoire honore, par-delà Manouchian, ces groupes armés qui surent fédérer une jeunesse éprise de liberté, entrée tôt dans la résistance : des étrangers, des apatrides, des Hongrois, des Polonais, des Roumains, des juifs ashkénazes jetés dans la clandestinité par la Gestapo et la police de Vichy, des républicains espagnols, des anciens brigadistes, des partisans ayant fui l’Italie de Mussolini, des Arméniens rescapés du génocide… Tous communistes, tous amoureux de la terre qui les avait accueillis, au point de mourir pour elle, pour ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité.

Comme l’a souligné le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, « par cet acte, la République française reconnaît officiellement le rôle important joué par les communistes dans la Résistance, parmi tous les résistants. » Robert Guédiguian, le réalisateur du film L’armée du crime, affirme que « Manouchian représente à mes yeux la synthèse de l’espoir communiste, de l’internationalisme et de la jeunesse, avec toute sa pureté. » Et il ajoute que cet hommage doit nous interpeller « sur le rapport que la France devrait entretenir avec les immigrés » .

Car, en se félicitant de la décision de faire entrer dans le temple républicain Mélinée et Missak Manouchian, on peut remarquer que, paradoxalement, elle intervient de la main d’un pouvoir qui préfère donner des gages à l’extrême droite plutôt que d’écouter ce que nous dit la MOI sur celles et ceux qui vivent ici, à nos côtés, quelles que soient les raisons de leur exil. Elle intervient au lendemain d’un nouveau naufrage meurtrier dans cette mer Méditerranée, que Manouchian traversa en réfugié, devenue, dans la plus grande indifférence, le cimetière de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants. 

L’oubli des vivants ne peut qu’assombrir l’hommage rendu aux morts. La loi qui se trame encore contre les migrants entérinera, si elle est adoptée, la criminalisation du séjour irrégulier ce qui ne pourra que conforter tous ceux qui, nostalgiques de la collaboration avec les nazis, disciples aujourd’hui de la théorie complotiste du grand remplacement, désignent les immigrés et leurs descendants comme un péril pour la nation française et son identité, crachant ainsi sur les jeunes héros de l’Affiche rouge.

 Francs-tireurs et partisans - Main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI), unités de la Résistance communiste fondées en avril 1942 pour conduire la guérilla urbaine contre l'occupant nazi.
 
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