LE TRAVAILLEUR CATALAN

À voir les dimanches 2 et 9 octobre à Carrer Treize à Ille-sur-Têt. 

Il est des expositions comme du reste dans les différents domaines de l’art : il y a celles qui font dans la décoration, dans l’ornement, dans un choix judicieux des formes et des couleurs et il y a celles qui font la démonstration qu’elles ont des choses à dire, un échange intime à proposer, une parole personnelle à faire entendre. Là il y a plus que du plaisir, il y a de l’émotion. C’est souvent le cas avec les présentations qu’organise André Rober al Carrer Treize à Ille-sur-Têt. Nous y avions rencontré précédemment Esteve Sabench dans une expo collective. Nous le retrouvons en majesté au milieu d’œuvres qui tiennent à sa vie, à ses engagements, à ses douleurs, à ses espoirs et qui ne peuvent pas laisser indifférents. 

En vitrine de la galerie une installation intitulée « Asphalte » conçue avec Peggy Merchez sur la perte d’êtres chers. Un mémorial poétique et douloureux, où Esteve évoque la disparition accidentelle de son fils Sébastien en 2002, Peggy celle de son jeune cousin. Le deuil, le noir, le gris, le sombre sont les tonalités de beaucoup d’œuvres présentées. Mais l’art peut être aussi thérapie et permettre à la vie de résister, de faire resurgir des images, des objets d’un passé auquel on ne cesse de penser. Cette tentative de persister sans se soumettre dans l’affrontement avec la mort est lisible dans la série de photos de vanités exposées où l’image sinistre du squelette est accompagnée d’une plante séchée comme une antithèse impossible. 

On retrouve le même affrontement dans le rapprochement des images violentes d’insectes avec des fleurs, des plantes qui tranchent dans ce paysage obscur. Comme s’il ne fallait jamais cesser de s’accrocher à la terre. 

La terre de Bescano, d’où Esteve est originaire, dans laquelle il plante un arbuste de la plage d’Argelès et qu’il accompagne du registre des étrangers mentionnant ses parents arrivés à Céret en 39 est comme la vie continuée. Comme ses branches séchées qui s’« anthropomorphent » pour nous rappeler un peu le vivant torturé. Comme les pages de cette Dame aux Camélias qui devient arbre. 

L’attachement, l’engagement pour la catalanité et la liberté sont comme un point d’orgue dans cette lutte difficile, impossible (?) contre ce qui peut nous emporter, comme une fidélité sans borne à ce qu’on est, à ceux que l’on a aimés, que l’on aime, à notre histoire intime, collective. « Si despulles la liberta queda re », nous rappelle l’artiste, écoutons-le !

Jean-Marie Philibert. 

 
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