LE TRAVAILLEUR CATALAN

Le harcèlement scolaire a fait, tragiquement, la une de l’actualité et la démonstration des dégâts parfois très graves qu’il peut avoir sur des personnalités pré-adolescentes ou adolescentes qui sont en construction, avec les interrogations, les doutes, les souffrances qui vont avec. Mon expérience professionnelle, près de quarante ans passés dans des lycées avec ces adolescentes et adolescents,  m’ont donné une connaissance pratique du phénomène, des réactions individuelles, collectives et institutionnelles qu’il peut provoquer pour tenter de le décrire, de le raconter de l’intérieur.

La classe

Le groupe classe rassemble de divers individus, des origines mêlées, des personnalités et des caractères différents, des milieux sociaux pas nécessairement homogènes. Il y existe des rapports de forces, une hiérarchie, des oppositions, des rivalités, des amitiés, des sympathies et des antipathies. Celui ou celle qui peut, pour des raisons physiques, comportementales, sociales, marquer une différence trop visible, réelle ou fantasmée, par rapport à l’ensemble du groupe court le risque d’être ostracisé(e). Il suffira qu’un esprit un peu plus tordu que les autres, le sentiment d’une ridicule supériorité, l’influence qu’il peut prendre sur des camarades fassent du différent le bouc émissaire d’un rejet collectif, qui ne commencera qu’insidieusement, mais qui peut très vite prendre des proportions considérables. En particulier si la victime, isolée, se tait, est dans l’incapacité de réagir, si le rire accompagne les moqueries et amuse la galerie, si un adulte responsable, éducateur ou autre, n’intervient pas et si le harcèlement s’installe dans la durée, s’il est vécu, par la victime comme imparable et par les harceleurs comme légitime. Le groupe s’arroge le droit de rejeter un pair parce qu’il n’est pas dans le modèle commun. Le contraire de ce que la morale éducative se doit d’enseigner.

Le harcèlement scolaire est une tare déjà très ancienne de notre institution scolaire, mais on se doute bien que les réseaux sociaux avec l’écho massif qu’il a chez les jeunes lui donnent une résonnance nouvelle et insupportable, jusqu’à la destruction d’une personnalité en construction.

Réagir

D’où l’importance de la réaction à avoir, d’abord dans le groupe, par ceux qui ne se reconnaissent pas dans le groupe des harceleurs, par les enseignants qui voient le harcèlement, qui voient le trouble qu’il suscite. Ils sont en situation pour percevoir les manœuvres d’isolement d’une victime, ils doivent interroger, mettre les pieds dans le plat (leur colère peut être formatrice) s’il le faut et faire l’éducation morale de ceux qui visiblement n’en ont pas pour causer ainsi une souffrance inutile. Reste et cela risque d’être le plus difficile : demander à l’institution, à l’établissement et à ses responsables d’intervenir. La hiérarchie leur a tellement appris à dire et à répéter sans cesse « no problem ! », qu’ils vont tout faire pour étouffer une affaire qui les embarrasse. Quant à la hiérarchie rectorale si elle s’en mêle, on peut craindre le pire, voir la lettre indigne écrite aux parents du jeune Nicolas .

Un plan de plus

Donc le plan mis en œuvre par Attal et Borne, s’il peut peut-être lever quelques réticences  d’une hiérarchie à reconnaître le phénomène, je crains qu’il fasse partie de la stratégie gouvernementale en cette rentrée scolaire (la com),  faire semblant d’agir, de répondre à une exigence sociale, mais sans ambition, sans moyens, sans personnels d’encadrement, infirmières, assistantes sociales, professeurs, éducateurs en mesure d’agir et d’intervenir le plus rapidement possible sur toutes les situations qui peuvent mettre en difficulté les élèves confiés au service public d’éducation, avec une composante qui s’impose dans leur formation, la connaissance et la maîtrise du groupe classe, une société en réduction où le pire et le meilleur peuvent se côtoyer.

Quant aux réseaux sociaux et à leur prégnance, une mesure s’impose pour éviter les dérapages de ceux qui s’y adonnent, la levée générale d’un anonymat qui est une porte grande ouverte à toutes les lâchetés et à toutes les veuleries des harceleurs.

Jean-Marie Philibert

 
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