LE TRAVAILLEUR CATALAN

Parmi les signes que le corona nous lâche un peu les baskets et que le retour à la vie « normale » devient une perspective crédible, il y a les visages découverts que nous croisons dans la rue et qui font plaisir à voir après les nombreuses semaines où nous avons dû vivre masqués, il y a le retour aux rencontres sociales plus décontractées et il y a dans ce mois de mai le retour du festival du cinéma à Cannes où il semble bénéficier d’un regain d’intérêt. C’est des salles obscures que j’ai envie de vous parler.

Les films et le temps

Parce que, comme beaucoup de réalisateurs de talent le glissent dans leurs films comme pour nous en convaincre ou s’en convaincre : le cinéma c’est la vie. Et dans ces temps festivaliers les rediffusions nombreuses de films anciens qui ont été primés sur la croisette en font une démonstration éclatante. La vie et l’émotion qui va avec et la peinture des sentiments qui nous touchent, qui nous animent, qui nous poursuivent. Le petit écran qui fait souvent dans l’insipide, dans la niaiserie a profité de l’occasion du festival pour ressortir quelques joyaux qui passent sans problème l’épreuve du temps. 

Chabada…bada

Je pense au plaisir que j’ai pris à revoir quelques décennies après sa sortie le film de Lelouch, chabada…bada, « Un homme, une femme » : l’histoire d’amour entre une Anouk Aimé, jeune veuve resplendissante, mais hésitante, et un Jean-Louis Trintignant, veuf aussi, beau comme un jeune dieu, pétaradant de vie, comme sa Mustang qui est un prolongement de lui-même. Un amour dont leurs enfants respectifs sont les témoins, un peu les responsables. Ils ne peuvent que laisser éclater l’exacerbation de leurs sentiments. Rappelez-vous la scène culte sur la plage de Deauville. Chabada…bada…
Ce n’est jamais fini

Le cinéma peut nous réconcilier aussi avec une vie qui nous fait des misères. La suite que Lelouch a donnée à ce film, cinquante ans après, « les plus belles années d’une vie » diffusé dimanche dernier, où il filme les mêmes protagonistes cinquante après, nous rappelle que nous n’en avons jamais fini avec la soif du bonheur, que le temps, la mémoire, les rêves nourrissent des sentiments qui fondent notre humanité. La vie qui nous poursuit inexorablement. Vincent Lindon qui préside le jury de ce festival a su superbement le rappeler dans un discours d’ouverture en prise directe avec les réalités de notre quotidien et du monde. 

Un discours à méditer.

« Doit-on user de sa notoriété aussi modeste soit-elle pour porter haut et fort la parole des sans voix… Nous sommes une composante infime d’un grand tout essentiel qui s’appelle la culture. La culture n’est pas une aimable excroissance  ni un futile ornement de la société, elle n’est pas en marge. Elle en est le centre et en sera le vestige. …

Pouvons-nous faire autre chose qu’utiliser le cinéma, cette arme d’émotion massive pour réveiller les consciences et bousculer les indifférences ? Je ne l’imagine pas …Même si cela revient à écoper avec un dé à coudre la coque d’un navire qui se remplit par vague. Notre force c’est que nous y croyons et que nos œuvres sont immortelles. Même si parfois, quand l’actualité nous écrase et que le découragement nous gagne, je me demande si nous ne sommes pas en train de danser sur le Titanic. Peut-être alors si nous prêtions l’oreille, entendrions-nous au milieu du vacarme des empires et des nations comme un tendre bruissement d’aile. Le doux murmure de la vie et de l’espoir.

Voici venu le temps des artistes, des cinéastes responsables pour nous porter, pour construire notre imaginaire et nous aider à répéter en nous-même chaque fois que nous le pourrons, en hommage à ceux qui souffrent et se battent dans le monde : Être vivant et le savoir. »

Jean-Marie Philibert

 
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