LE TRAVAILLEUR CATALAN

Anniversaire

111 ans et toutes ses dents !

Le cinéma Castillet à Perpignan a 111 ans : à cette occasion jacques Font qui le dirige depuis 1987 a mis les petits plats dans les grands, en multipliant les initiatives, expo de peinture d’art contemporain, programmation exceptionnelle de films qui lui sont chers ou d’avant-première, conférence de Serge Regourd que les lecteurs du TC connaissent bien, des petits prix alléchants et une grande « parlerie » autour du Castillet et son passé, sur le cinéma à Perpignan et ailleurs. 

Jacques Font est, avec nous, un grand partisan de ce qu’il est convenu d’appeler l’exception culturelle, et grâce à Serge Regourd il a placé cet anniversaire sur cet axe fort. Une rencontre avec le TC s’imposait.

L’exception culturelle ?

« L’exception culturelle, c’est la défense de la culture contre le marché, si on laisse faire le marché on sait comment ça se passe, les plus gros bouffent les petits, c’est la fusion et la concentration du capital et on aboutit à ce que les gens qui décident de la création ne sont plus qu’une poignée et décident de tout… Voir l’exemple des états-Unis qui avec le plan Marshall ont réussi à ce que le cinéma américain déferle partout. Pour limiter l’invasion de films américains la France a un système issu de la Libération avec le CNC, un système mutualiste au niveau de la taxe perçue sur le billet de cinéma qui permet l’amélioration des salles, des petites comme des grandes et la réalisation de films sortant des formats attendus. En faveur de la création.

Ce qui est intéressant, c’est la diversité. Il faut aller au cinéma les yeux fermés et les ouvrir quand on est dans la salle. Vous n’irez pas nécessairement voir le film dont on a le plus parlé, mais celui qui mérite d’être vu. Il faut oser ! Quand on est au cinéma comme disait Godard on lève les yeux pour voir le film, le soir à la télé on les baisse. Au cinéma on apprend, on est curieux. Il faut donc préserver l’exception culturelle… Et la France met aussi de l’argent pour financer des films étrangers… Les petits metteurs en scène d’aujourd’hui seront les grands de demain. Ne passons pas à côté. Il peut même leur arriver d’être courtisés par les états-Unis. Et ça ne nous gêne pas d’aider les cinémas étrangers. Préservons donc notre exception culturelle. »

Pourquoi des peintres au Castillet ?

« Depuis des années, ma passion c’est l’art contemporain. Comme je fais aimer le cinéma, je voudrais faire aimer l’art contemporain. Le peuple peut aimer l’abstraction. Depuis Malevitch la peinture a changé. Le peuple doit aussi s’emparer des grands créateurs d’aujourd’hui, Soulages, Morellet, Herbin… Il doit s’emparer de la peinture de son temps. Il faut laisser les artistes créer sans chercher à leur commander quoi que ce soit. »

Les moments difficiles de l’histoire du Castillet ?

« Au moment de 14-18, on a fait fermer le Castillet parce qu’il ne fallait pas s’amuser loin du front. Après 42, avec la présence allemande une censure très forte sur les films. Des menaces de l’OAS pendant la guerre d’Algérie. Le cinéma a connu la crise à cause de la télévision, de la cassette, du dvd, à cause des plates-formes. Mais le pire a été le covid : pendant le covid on ne produit pas de films. Quand on a réouvert, le public n’avait pas grand-chose à se mettre sous la dent.

À Perpignan, la télévision a fait chuter notre chiffre d’affaires. L’apparition des multiplex a créé des difficultés et nous a contraint à nous débarrasser de salles existantes. Après le covid j’avais la sensation que l’on pouvait y passer. Mais nous avons surmonté les difficultés et j’ai le sentiment d’être gâté par la vie, je vis ma passion. Mais j’ai eu des nuits où je n’ai pas dormi beaucoup. »

Le cinéma Castillet en centre-ville ?

« C’est une situation fragile parce que ce n’est pas rentable. On nous admire, mais on n’a pas un euro depuis 1911. Alors que ceux qui nous entourent sont souvent subventionnés. On a résisté et nos employés ne nous ont pas quittés. Je suis très heureux de mon métier et de passer le flambeau à mon fils animé de la même passion que moi. »

À pied, à cheval, en voiture, les yeux fermés et ouverts, allez donc au cinéma pour votre plaisir et procurez-vous la magnifique brochure éditée à l’occasion de cet anniversaire.

Propos recueillis par Jean-Marie Philibert

 
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