
Quand nous étions enfants, te souviens-tu Eva ?
D’un jour où tu gardais les brebis et moi les oies
Nous étions tout près de la route nationale
Et avions tous les deux enlevé nos sandales
Au bord du chemin, il y avait une grande mare
Avec tout plein de grenouilles, ces batraciens ovipares
Elles nous regardaient accroupies sur les nénuphars
Avec leurs yeux ronds, cerclés d’or sans un fard
Ce jour-là le temps était très orageux
Et ces bestioles coassaient de leur mieux
J’ai remonté mon pantalon au-dessus des genoux
Toi tu remontas ta jupette, tant pis pour les dessous
Nous sommes tous deux rentrés dans l’eau
Et avons commencé la pêche aussitôt
Il y en avait des grises, des jaunes et des vertes
Mais toutes étaient vraiment très alertes
Pour bien vite dans la vase s’enfoncer
Quand nous tendions la main pour les attraper
Alors les grands moyens, nous avons utilisés
En remuant très fort la vase avec nos pieds
Jusqu’à ce que asphyxiées, les pauvres bêtes
Remontent sur l’eau pour respirer et montrent la tête
Et moi avec un bâton, tapant très fort
Je les tuais toutes, sans le moindre remord
Tu as bien ri quand pour emporter ma prise
J’ai mis mes victimes dans les manches de ma chemise
Est-ce que c’est parce que je suis au bout de ma vie
Que ces souvenirs reviennent pendant la nuit ?
Je crois que gosse j’étais amoureux
De tes grands et jolis yeux bleus
Dans ma vieillesse, j’ai encore la chance,
De garder intacts, ces souvenirs d’enfance.
Joseph Hourtic
Août 1974