
Explorant le thème de l’hospitalité, Nathalie Rabau démontrait les apports précieux de la littérature.
Il est des moments singuliers où chacun peut découvrir un inattendu dont la portée dépasse de loin l’affichage initial. Ainsi, la conférence autour du thème de l’hospitalité de Nathalie Rabau à l’université de Perpignan le 7 avril dernier rentre dans cette catégorie. En quoi le détour par la poétique pouvait-il nous interroger sur le présent ? Pourquoi le passage par la littérature antique, Homère en particulier, pouvait nous inviter par un si important détour a priori et nous conduire à nous interroger sur notre propre rapport à la construction de frontière, à notre propre manière de fabriquer « des étrangers » et ainsi de mettre en question l’hospitalité ? Là fut tout le talent de la conférencière. Évoquant l’œuvre littéraire en général, jouant sur l’intérieur et l’extérieur d’une œuvre avec le rôle de celui qui établit le texte, elle nous amena à comprendre que la notion de frontière est concomitante avec celle de gardien. En littérature, le rôle de gardien est souvent celui du critique textuel. C’est lui qui produit les étrangers – ce qui est hors de l’œuvre, étranger à celle-ci. En définitive, sans gardien pas de frontière et donc pas d’étranger. Or, tout un chacun d’entre nous peut vite être amené à devenir un gardien s’il ne reste pas vigilant. À l’opposé du gardien, il y a l’interpolateur. Ce dernier cherche à introduire un élément étranger dans l’œuvre. Pour autant, est-il un problème ? Pas nécessairement. Après tout, l’ajout n’est pas toujours significatif de baisse de qualité. Combien d’œuvres d’art, notamment dans les bâtiments historiques, ont été constituées par des rajouts successifs. D’autre part, n’est-il logique du point de vue de l’interpolateur de vouloir laisser une trace et quoi mieux de le faire qu’en insérant quelques mots dans un célèbre ouvrage. Même si son nom ne demeure pas, ses mots eux oui. Ainsi, Nathalie Rabau nous invite à jouer ce rôle d’interpolateur, d’être celui qui fait rentrer « l’étranger », qui abolit les frontières. Celui qui fait rentrer, fait preuve d’hospitalité. Cette dernière n’est pas une perte, une diminution. Elle est un ajout, une plus-value. Pour finir, la conférencière nous interpelle de manière fort humoristique – un peu pince sans rire – sur le patrimoine architectural de Perpignan et des Pyrénées-Orientales pouvant servir de lieu d’hospitalité – de lieu d’accueil – pour les étrangers. En effet, de la place il y en a au château de Salses, au Castillet. Nous interrogeant ainsi sur notre propre hospitalité. Cette brillante conférence fut suivie d’un moment poignant. Celui du témoignage d’une jeune afghane – dont la famille vient juste de bénéficier d’une possibilité de séjour via l’université de Perpignan. L’émotion de ses mots et de sa voix soulignaient, oh combien, même le plus petit geste d’hospitalité pouvait procurer tant de bien-être.
Andefroi