LE TRAVAILLEUR CATALAN

©Taras Lazer de Pixabay ◊.

Dans ces temps troublés pour cause de COVID, où les incertitudes prolifèrent, où les pouvoirs publics donnent le sentiment de naviguer à vue et où les discours de vérité semblent aux abonnés absents, il est heureux d’entendre des paroles qui tranchent avec la morosité ambiante, non pas parce qu’elles nous enferment dans un optimisme béat et inconscient, mais bien au contraire parce qu’elles nous amènent à regarder le réel.

La question du temps

L’occasion m’en fut donnée lors d’une des récentes émissions littéraires sur France 5, « La grande librairie » qui évoquait le dernier livre de Gisèle Halimi , écrit peu de temps avant sa disparition et présenté par la journaliste qui l’avait questionnée et accompagnée dans cette tâche, Une farouche liberté, un ouvrage de Laure Adler, La voyageuse de nuit, et un livre de souvenirs de Philippe Labro J’irai nager dans plus de rivières. Des auteurs d’un âge certain. Mon propos n’est pas de faire un travail critique sur ces ouvrages : je n’ai lu que le livre de Gisèle Halimi et j’y ai pris un plaisir fort, en même temps qu’une leçon de vie. Pour les autres je me contenterai d’évoquer ce qui en a été dit. Cela m’a semblé suffisamment riche pour consacrer mon humeur de la semaine à ce qui fait le quotidien, la vie, l’interrogation des humains que nous sommes : la question du temps, du temps qui passe, de ses effets, de ses inquiétudes et de ses espoirs, et donc la question de la vieillesse que l’on donne aujourd’hui le sentiment de ne plus savoir appeler par son nom.

Des euphémismes

Il y a eu le troisième âge, les personnes âgées, les aînés, les seniors… Il y a la silver économie… Il y a la dépendance… Il y a dans la bouche de Castex, « les papys et les mamies qui ne pourraient plus aller chercher les petits enfants à l’ècole »… Il y a les personnes à risques… Et j’en passe… Un ghetto idéologique (mais pas que…) dans lequel le jeunisme ambiant donne parfois l’impression de vouloir contenir sa propre angoisse du temps. Le monde médiatique qui n’est jamais en retard d’une turpitude peut s’il le faut en rajouter sur l’opposition entre des retraités copieusement nourris par leur pension et les jeunes confrontés aux réalités du chômage. Il y a même des responsables politiques qui échafaudent des projets pour réduire les retraites et faire payer les vieux… au nom de la justice bien sûr !

Se dire vieux/vieille

Le témoignage de Gisèle Halimi, son attachement viscéral à la lutte des femmes, son engagement contre le colonialisme, sa farouche obstination à ne jamais abdiquer devant les attaques contre sa/la liberté, la poursuite de son combat jusqu’au terme de sa vie, sans la moindre concession aux vicissitudes de l’âge sont des signes forts. Le temps ne fait rien à l’affaire et il importe bien moins que la fidélité à ce qu’on est, ce qu’on croit, ce qu’on veut pour la liberté et le bonheur des femmes et des hommes.
Laure Adler confirme avec fougue cette même conviction qu’il est important de s’affirmer pour ce qu’on est, de ne pas chercher à tromper son monde et à se tromper soi-même, qu’il n’y pas d’autres choix que de se dire vieux/vieille quand on l’est. Elle se moque gentiment de Philippe Labro, aimable octogénaire, qui semble gêné par l’expression et qui préfère se dire mûr que vieux. Et elle retrouve la réplique que Simone Signoret faisait à propos de Montand : « Moi, je vieillis, lui, il mûrit ». La société est sans doute, en la matière, plus dure avec les femmes qu’avec les hommes.
Mais le rapport au temps reste rude, il importe d’y faire face avec dignité et courage sans se prendre pour Superman ou Supermamie, en citoyen exigeant et solidaire, en acteur de son temps !

 
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