LE TRAVAILLEUR CATALAN

Livre

Nombreux meurtres étranges, enquêteurs âgés et bizarres, tels sont les ingrédients du polar de Patrick Brisset intitulé « Les chiens s’en remettront. »

Castelnau d’Orgnac, un village comme tant d’autres en 2060, son bistrot, son école désaffectée, son épicerie… un lieu oublié de tous et surtout des services publics. Rien que de très banal dans une société en déliquescence où tout est  vermoulu, au sens propre et métaphorique.

Une série de meurtres étranges y sont commis, une affaire pourrie refilée à l’agence « Larchange et Gabryel », duo d’enquêteurs assermentés déjà croisés dans « Sur un air de Sacha » (TC 3819), 150 ans à eux deux pour rappel ! En ce temps-là, même dans la police, on embauche des « contractuels » et autres précaires hors d’âge contraints de travailler pour cause de retraites dégradées, comme tout le reste…

Les deux amis, se font passer pour deux dendrologues venus étudier ce qui reste d’arbres dans une nature encore présente, mais bien malade, la chaleur règne, les arbres sont jaunis et moribonds.  Nulle dystopie technologique ou apocalyptique, délabrement social et crise climatique sont décrits par petites touches, c’est au fil du récit que le lecteur découvre un monde pas très différent d’aujourd’hui, juste pire.

Malgré rien moins que onze assassinats, rien de gore ni de sanguinolent dans le récit, mené à la première personne par l’un des deux anti-héros.

On retrouve ici, amplifié, l’univers et le style du précédent roman : dialogues savoureux, ambiances finement décrites et intrigue rondement menée, le tout avec dérision et un sens théâtral frisant parfois le grand guignol, une loi du genre ! C’est drôle, ironique, avec de l’empathie pour des personnages, finalement tous victimes…

S’il persévère, Patrick Brisset est en passe de créer deux figures type qui, modestement, pourraient prendre place dans la lignée des Français Maigret, Fabio Montale, Nestor Burma et au-delà Walander, Carvalho ou le couple immortel Sherlock Holmes & Watson.

Si dans son précédent polar les victimes n’étaient que des pions complices de leur sort, ici les acteurs sont à peine responsables et en tout cas pas coupables.

L’auteur n’a pas été marionnettiste et conteur pour rien, une fantaisie débridée où il est question de gnôle frelatée, d’empoisonnement, de citrouilles, de pomme rouge, de clins d’œil à la Bête de Gévaudan, aux loups garous, à Dr Jekill et M. Hyde ou même à Bartleby avec des « t’as pas tort », «pas faux ».

Bref, un roman noir dystopique où, en toute cohérence entre narration et forme, cohabitent du rationnel et de l’irrationnel, voire du fantastique.

Clément Riot

Pour ceux qui douteraient de la vraisemblance d’une histoire si « farfelue » : récemment des « polluants éternels » ont été détectés dans les eaux de la ville de Rumilly (Haute-Savoie) : réalité et fiction se rejoignent à vive allure…

Les chiens s’en remettront, Patrick Brisset, L’Harmattan, 2023, 380p, 30€.

 
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