Responsable des questions européennes au secteur international du PCF, Vincent Boulet a répondu aux questions du Travailleur catalan à propos de la guerre en Ukraine.

L’agression de l’Ukraine par Poutine était-elle prévisible ? Poutine et son régime sont seuls responsables de la guerre, rien ne peut justifier cette agression qui est une violation des principes du droit international. On assiste à l’aboutissement d’un régime toujours plus nationaliste, toujours plus autoritaire fondé sur l’idéologie impériale russe. Poutine dénie à l’Ukraine le droit à l’indépendance. La nouveauté c’est que cette base nationaliste et autoritaire n’est plus simplement une référence idéologique, elle devient une ligne d’action politique directe.

Qu’est-ce qui, maintenant, peut arrêter la guerre ?

Le seul moyen est de contraindre la Russie à un cessez-le-feu, c’est une exigence immédiate. On a affaire à un régime oligarchique capitaliste, en frappant au portefeuille et en isolant on peut faire pression pour obtenir le cessez le feu et l’évacuation des troupes. La première victime, c’est le peuple ukrainien qui paye le prix du sang, il s’agit potentiellement de crimes de guerre. Aujourd’hui ce sont un million et demi de réfugiés à accueillir. L’UE a mis en place un système de protection des réfugiés.

Certaines voix demandent d’envoyer des armes aux Ukrainiens ?

Cela soulève de multiples problèmes. D’abord, le parlement doit être informé. Puis, quel type d’armes ? Comment les livrer ? A qui ? Les miliciens tchétchènes de Kadyrov risquent de s’en emparer. Que fait-on si une bombe tombe sur un convoi d’armes françaises ?

Quelles sont les forces politiques en Ukraine ?

Depuis plusieurs années, la situation est très compliquée pour la gauche ukrainienne. Le système parlementaire représente les différentes factions de l’oligarchie ukrainienne. Le parti communiste ukrainien est interdit, empêché de se présenter aux élections. La situation de guerre met la gauche ukrainienne en grand danger car les milices d’extrême droite sont très présentes. Ainsi les bataillons Aïdar qui se sont illustrés dans le Donbass ont une place importante. Le président Zelensky, ancien présentateur télé, a été élu sur le rejet de la corruption, sur une base libérale. Il a aussi pris des mesures contre les journalistes critiques…

Que penser de la demande d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne ?

Il faut bien être conscient que ça pourrait signifier que l’UE serait susceptible d’entrer en guerre, et ce en fonction du traité de Lisbonne (2007) qui prévoit une clause de défense mutuelle. Il importe plutôt de montrer aux Ukrainiens notre solidarité, comme il serait intéressant de réécrire l’accord de partenariat, le recentrer sur les questions sanitaires, humanitaires.

Sur la situation en Russie ?

Il nous faut saluer le courage de tous ces Russes qui manifestent contre la guerre car la répression est énorme. Le régime prend des mesures dictatoriales, comme de condamner à 15 ans de prison tous ceux qui dénoncent la guerre, on en est à 13 000 arrestations, nous sommes très inquiets pour le peuple russe qu’il faut se garder d’assimiler à Poutine.

Et maintenant ?

Je répète, face à la tragédie, aux violations des lois de la guerre, le cessez-le-feu, dans un premier temps à but humanitaire. Et s’en donner les moyens politiques, frapper au portefeuille est un moyen concret. Les sanctions sont déjà élevées, la banque centrale russe n’a plus de possibilité de se refinancer à l’étranger. Isoler politiquement. L’attitude de la Chine est intéressante, elle s’est abstenue à l’ONU et fait des offres de médiation.

La Russie peut-elle utiliser l’arme nucléaire ?

La doctrine russe l’exclut. Mais on voit aujourd’hui le résultat de plusieurs années d’affaiblissement des traités internationaux sur le nucléaire. Il faut aller vers un désarmement multilatéral et global comme le prévoit le traité de l’ONU. Le PCF souhaite que la France se rende cet été à Vienne à la réunion des signataires de ce traité en tant qu’observatrice.

Recueilli par Nicole Gaspon