LE TRAVAILLEUR CATALAN

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Il faudra bien un jour faire le recueil des perles dont sont parsemées les homélies de Macron, tout particulièrement quand il s’adonne à ses exercices de prédilection, l’hommage funèbre et le discours commémoratif. Voici la dernière : « Le parcours de l’enfant d’Ajaccio devenu maître de l’Europe démontre etc ». C’est dans le discours prononcé sous la couple de l’Institut, pour ce bicentenaire pas très républicain. On peut le lire à loisir sur le site de l’Elysée. 

Napoléon maître de l’Europe ? Mais où Macron est-il allé pêcher ça ? L’empereur a certes pu installer sur des trônes éjectables quelques-uns de ses parents, mais enfin, pendant les dix sanglantes années qui vont de l’apothéose à la dégringolade, a-t-il soumis l’Angleterre ? l’Autriche ? la Russie ? A-t-il subjugué les Espagnols ?  

Cette bourde a sa raison d’être : Macron a projeté distraitement sur le personnage de Napoléon la rêverie de toute puissance qui est au cœur de l’individualisme capitaliste. C’est l’air qu’il respire : le monde étant ce qu’il doit être, ce que chacun fait de sa vie ne dépend que de lui-même. Ne soyons donc pas surpris de lire : « On aime Napoléon parce que sa vie a le goût du possible. Parce qu’elle est une invitation à prendre son risque, à faire confiance à l’imagination, à être pleinement soi ». Qu’il faille, pour que chacun soit pleinement soi, que tous le soient, cette pensée communiste n’est évidemment pas à sa portée.

Tout est donc dans l’ordre. L’homme qui parlait ainsi ce 5 mai est le même qui disait à ce jeune sans emploi de traverser la rue pour trouver du travail ; le même qui disait, étant encore ministre de Hollande, que la France avait besoin de jeunes qui veuillent devenir milliardaires, paru dans Les Echos le 6 janvier 2015. Mais ce qui est particulier dans cette circonstance, et légèrement comique, c’est que l’éloquence présidentielle s’ébatte cette fois-ci aux dépends de la vérité historique. Et donc, en fin de compte, aux dépends de la mémoire collective des Français, alors même que le propos se veut un éloge de l’histoire, à l’intention de la jeunesse lycéenne. Car le public était composé pour partie de lycéens, et c’est à eux que Macron s’adressait préférentiellement, ayant débuté son propos par ces mots d’ordre ; qu’il empruntait, dit-il, à Bonaparte lui-même : « La lutte contre l’ignorance ; l’amour du savoir et de l’Histoire ». Les enseignants apprécieront, surtout ceux qui ont affaire à l’Histoire de France dans l’exercice de leur métier.

Jean-Pierre Kaminker

 
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