LE TRAVAILLEUR CATALAN

Une pièce étonnante et percutante qui a conquis le public du Théâtre des Possibles. La Cie Tropuscule revisite le conte avec brio dans une mise en scène contemporaine acide et drôle.

Tout le monde connaît Blanche Neige. Tout le monde a eu peur pour cette belle et jeune fille perdue dans la forêt sombre, a aimé les sept nains et a détesté la méchante belle-mère. Mais aujourd’hui, la lecture qu’en fait la Compagnie Trospuscule théâtre est différente. Pourquoi cette pauvre et belle jeune fille serait uniquement réduite à l’état de victime sans être maîtresse de sa vie ? Pourquoi adorer des êtres qui n’ont de cesse d’aller piocher pour trouver de pierres précieuses, réduisant en esclavage cette jeune femme ? Pourquoi la belle-mère est-elle si féroce ? Le miroir qu’elle consulte ne serait-il pas une intelligence artificielle qui affirme détenir la vérité ? Il ne s’agit pas évidement de faire mourir Blanche-neige mais bien de casser les codes de la belle jeune fille obéissante et docile. De souligner les clichés qui ont la peau dure, et la Fée Ministe est là pour reprendre chaque protagoniste.  

Le rire comme moteur de réflexion

Dans une scénographie étonnante aux trois couleurs, blanc noir et rouge (respectueuses Blanche neige), c’est avant tout un damier délimité au centre du plateau qui nous interpelle. Un espace réduit qui concentre le jeu des protagonistes dès les premières minutes. On remarque tout de suite les costumes où le cuir, les bottes, la jupe tous dans une déclinaison de noir enlèvent la notion de genre. Les comédiens se changent à vue, un simple artéfact permet la transformation. Quand arrivent les nains à l’accent germanique prononcé, on entend leur chanson qui rappelle étrangement la marche de la Wehrmacht. Et oui Hitler adorait Blanche Neige et Walt Disney. Les sept nains ne seront qu’un prolongement du dictateur. Ils nous mettent mal à l’aise. On ne les voit plus comme un atchoum ou un simplet. On grince des dents même en riant aux éclats. En cinq chapitres, Paul Tilmont, Jean-François Paris, Mariana Lézin et Nilco Moongin jouent tour à tours, tous les personnages de l’histoire. Blanche neige représentée par un mannequin recouvert d’une robe blanche prend la forme d’une marionnette un peu nigaude. Elle ne bouge pas, on la déplace. De temps en temps elle parle mais sans comprendre. La féé Ministe n’aura de cesse de reprendre les narrateurs encore sous l’emprise d’un patriarcat qui naviguent dans un champ lexicale contestable et dénoncé par la fée. Il faut que Blanche neige puisse dire non et prendre sa vie en main. Accompagnée des musiques de Nilco Moongin, les textes s’enchaînent ne laissant pas de place au repos. Dans un rythme soutenu enfant et parents s’ouvrent au chemin de la réflexion sur des sujets de société actuelle. « Blanche neige doit mourir !» n’est plus un conte mais peut être une farce, en tous cas, elle est un miroir de concentration comme le nommait Victor Hugo, une pièce de caractère comme on nomme les pièces de Molière où pour dire le pire le meilleur allié reste le rire. 

Anne Guichet

 
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