LE TRAVAILLEUR CATALAN

Avec les « sans papiers »

Comme des millions de Françaises et Français, nous sommes enfants, petits-enfants d’«indésirables», les Républicains espagnols, ceux aussi des volontaires des Brigades Internationales.
Nous affirmons notre soutien total à la marche et à toutes les revendications des « sans-papiers ». Ce n’est pas la même histoire, ce ne sont pas les mêmes personnes, cependant le malheur est le même. Quatre-vingts ans après, nous refusons la répétition incessante des mêmes ignominies. En 1939, les nôtres, cinq cent mille Espagnols qui fuyaient l’horreur franquiste, les bombes et la misère, furent parqués dans les camps de concentration sur la plage où les femmes creusaient des trous dans le sable, les premières nuits, pour protéger les enfants, où des milliers moururent de leurs blessures, de maladie, de désespoir, où des gendarmes à cheval chassaient ceux qui s’approchaient des barbelés pour leur venir en aide. Nos parents, si maltraités, si humiliés par la France officielle, furent ensuite parmi les premiers à se lever en 1940. C’est La Nueve, la compagnie de la 2e DB, composée de Républicains espagnols, qui entra la première dans Paris. En même temps qu’au général Leclerc, c’est à un brigadiste français, le colonel Rol Tanguy, que le général nazi commandant la place de Paris, restitua les clefs de la capitale. Depuis, nous-mêmes, par notre travail, notre amour pour la France, avons largement remercié la solidarité que le peuple et ses organisations témoignèrent aux nôtres.
Aujourd’hui, 350 000 migrants, chassés par les bombes et la misère, sont sur notre sol. à Calais, des femmes, des nourrissons, dorment à même le sol, cachés dans des buissons, quelles que soient les conditions climatiques. Il est interdit aux associations de leur distribuer des vivres en ville. à Paris, cinq cents mineurs ont dormi dans la rue, à la veille de la rentrée scolaire. Le dernier rapport de la Cimade souligne que de plus en plus d’enfants sont placés derrière les barreaux des centres de rétention. Les Moussa, Mamadou, Siaka, Fatima, tous les « sans-papiers », les clandestins, les à peine tolérés, sont nos amis. Pendant le confinement, nous les avons vu prendre le métro, le train, le bus, pour aller entretenir les rues et les bureaux déserts, faire la plonge et le ménage dans les maisons de retraite, poursuivre les travaux sur les chantiers, ramasser nos poubelles. Et puis, rentrer dans des squats surpeuplés et insalubres. Ils vivent ici, ils travaillent ici, ils sont et seront d’ici.

Nous exigeons

Enfants des maçons, journaliers, femmes de ménage, médecins, enseignants et intellectuels espagnols, enfants des volontaires des Brigades Internationales, notre mémoire française est emplie des souffrances et humiliations des nôtres, de leur espoir invaincu. Elle ne se confine pas au musée, elle ne se contente pas de témoigner, de commémorer. Elle est vivante et solidaire, elle interprète le présent et anticipe l’avenir. Nous refusons que d’autres générations grandissent parmi nous la mémoire pleine de cicatrices. Avec les associations qui les soutiennent, nous exigeons: – la régularisation de tous les « sans-papiers ». – la fermeture des centres de rétention. Nous affirmons que, pour mettre fin aux trafics d’être humains, il faut aller chercher ceux qui se noient en mer, ceux qui, début septembre, ont vu brûler le camp grec de Moria (12 700 personnes dont 4 000 enfants selon le Haut commissariat de l’ONU aux réfugiés). Alors que l’hiver approche, les pays de l’Union Européenne négocient misérablement lequel en accueillera 10 ou 50.
L’Europe, la France, qui, au fil des siècles, ont envoyé des millions de migrants se réfugier dans le «Nouveau monde», coloniser l’Afrique, dont les ports se sont enrichis avec le commerce d’esclaves, traitent les migrants d’aujourd’hui comme des chiens. Nous ne laisserons pas faire. Derrière chacun des maltraités, humiliés d’aujourd’hui, nous voyons se dresser l’ombre de nos parents. La négation des droits des «sans-papiers», de leur humanité, est telle qu’elle autorise un commentateur comme Zemmour à affirmer sur C News que tous les enfants migrants sont « violeurs, sont assassins, sont voleurs ». Nous avons été ces enfants, sommes leurs enfants et petits-enfants. Nous sommes emplis d’effroi et de chagrin. Nous sommes en rage, nous avons honte, la mémoire nous brûle. Ça suffit! Basta ya. Nous espérons que tous ceux qui partagent nos souvenirs, celles et ceux qui connaissent, s’indignent et s’émeuvent encore devant ce chapitre de l’histoire signeront et relaieront cet appel.

Diego Arrabal. Ecrivain. Georges Bartoli. Photographe. José Fort. Journaliste. Eloy Martinez Monegal. Journaliste. Jean Ortiz. Universitaire. Emile Turlan. Cadre territorial. Maité Pinero. Journaliste. Ecrivaine. Claire Rol Tanguy. Olivia Ruiz. Auteure-compositrice-chanteuse. Réalisatrice. Ecrivaine. Maxime Vivas. Ecrivain. Administrateur du site legrandsoir.info. Marie-Thérèse Anton. Traductrice-interprète.
 
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