
En cette période propice aux incendies de forêt, nous avons choisi de rencontrer Christophe Garcia, secrétaire départemental de la CGT des pompiers du Service Départemental d’Incendie et de Secours 66 (SDIS 66), qui est sapeur-pompier à Saint-Laurent de la Salanque.
À la suite des incendies dans l’Aude ou à Marseille, on a beaucoup parlé des moyens aériens de lutte contre le feu. Pouvez-vous nous préciser quels sont les problèmes ?
En effet, pour combattre les gros feux de forêts, les moyens aériens sont indispensables : les Canadairs, avions amphibies qui écopent directement sur les plans d’eau, et les Dash, avions plus rapides avec une capacité de largage supérieure, mais dépendant du ravitaillement au sol. Pour notre région, ces avions – dix Canadairs et sept Dash – sont stationnés à Nîmes. Il faut ajouter les hélicoptères bombardiers d’eau qui interviennent de manière chirurgicale. Ainsi, dans les P.-O, le conseil départemental a décidé de louer, pour 900 000 € par an, deux hélicoptères. Ajoutons une dotation de l’État : nous sommes aujourd’hui équipés de drones pour détecter les départs de feux S’il y a eu polémique sur les moyens aériens, c’est qu’Emmanuel Macron avait promis « le renouvellement des douze Canadairs » et l’achat de quatre avions supplémentaires d’ici à 2027. Or, comme d’habitude, la promesse n’a pas été tenue, les Canadairs qui ont plus de 30 ans n’ont pas été renouvelés et la flotte n’a pas été augmentée !
Et concernant les moyens humains ?
S’il est un métier-passion, le métier de sapeur-pompier est épuisant physiquement et psychologiquement. Songez que si, en début de carrière, l’espérance de vie d’un pompier est supérieure à la moyenne nationale du fait de son entrainement physique, elle est de sept ans inférieure en fin de carrière. Durant sa vie, un pompier est confronté à toutes sortes de pollutions, poussières et fumées toxiques. Si en ce domaine, on a fait quelques progrès en traitant les tenues, en cloisonnant les locaux, il n’en reste pas moins que seulement deux maladies professionnelles sont reconnues pour les pompiers, alors qu’il y en a plus de vingt au Canada. Nous devons mener des batailles syndicales permanentes pour obtenir la reconnaissance des maladies spécifiques.
Mais, d’après les chiffres, le système repose largement sur les volontaires ?
Disons que devenir sapeur-pompier volontaire est d’abord un engagement citoyen. Ces volontaires interviennent parallèlement à leur travail, avec des employeurs plus ou moins compréhensifs. Le regroupement des centres de secours, la multiplication des sollicitations rendent plus usant leur travail. Les SPV sont un peu la variable d’ajustement aux besoins. Ainsi, nombre de pompiers professionnels sont aussi SPV… C’est une manière de faire des économies, car un volontaire coûte environ cinq fois moins qu’un professionnel ! Je précise que durant la période estivale, le SDIS 66 embauche des SPV pour la surveillance des plages ou assurer le guet des incendies de forêt.
Nous nous souvenons des manifestations de pompiers sévèrement réprimées l’an dernier. Qu’en est-il aujourd’hui ?
À l’époque, nous dénoncions le manque d’effectifs et réclamions plus de moyens, une hausse de la prime de feu et des mesures pour protéger notre santé au travail. La prime de feu a aujourd’hui été revalorisée. Mais, faute de financements, les effectifs et les équipements restent insuffisants dans nombre de régions. Ainsi, des camions sont vétustes et on peut craindre que se reproduise une tragédie comme à Gabian en 2016 où un pompier a perdu la vie et trois autres ont été gravement brûlés. Normalement, à la rentrée doit avoir lieu un Beauvau de la sécurité civile. Nous avons beaucoup d’attente pour que l’État assure de nouveaux financements pour les SDIS. Au sujet des financements, je voudrais faire une remarque… On parle souvent des biens détruits dans les incendies, mais jamais de ceux qu’ont sauvés les pompiers, donc des sommes que n’auront pas à payer les assurances… En Allemagne, en Suisse, les assurances participent au financement des services d’incendie. Pourquoi pas en France ?
Concernant spécifiquement notre département, que peut-on dire ?
Face à l’augmentation de la population, à son vieillissement, le conseil départemental fournit des efforts importants pour doter le SDIS 66 des moyens nécessaires. Ainsi, la dotation départementale est passée de 39 millions d’euros en 2016 à 67 millions aujourd’hui. Idem au niveau des moyens humains avec la création de 100 postes supplémentaires de pompiers professionnels d’ici à 2030. De plus, un investissement considérable a été fait au niveau des bâtiments : casernes neuves, réhabilitations de locaux, … Les P.-O. sont un département pilote pour l’adaptation de la sécurité aux changements climatiques. En revanche, si depuis 15 ans, des rapports alertent sur ces changements, les choix faits par l’État démontrent qu’il refuse de prendre en compte les dangers qu’il va falloir affronter en termes de feux de forêts et d’inondations.
Propos recueillis par René Granmont