
Le Mémorial de Rivesaltes a dix ans, le moment d’un regard sur la décennie écoulée et d’aborder de nouvelles perspectives.
Le Mémorial de Rivesaltes fêtait samedi dernier son dixième anniversaire, autour de Céline Sala-Pons et de son équipe se pressaient de nombreux invités, élus, journalistes, témoins… Beaucoup d’émotion et l’occasion de rappeler l’histoire du lieu.
Une histoire qui a commencé il y a plus de 20 ans avec la découverte, dans une déchetterie de Perpignan, d’archives relatives aux internés juifs et à leur déportation. Découverte révélée par Joël Mettay. À partir de là, entre pétition, investissement d’associations, de descendants, interventions de noms comme Simone Veil, Robert Badinter, Claude Simon… est née l’idée du Mémorial. Idée que Christian Bourquin a permis de concrétiser jusqu’à l’inauguration le 16 octobre 2015.
Un tel équipement n’a rien d’anodin, d’où les obstacles et résistances qui ont jalonné son histoire. Réjouissons-nous qu’il soit là aujourd’hui, incontournable, portant la voix et la mémoire des 60 000 personnes qui y ont été internées. Réjouissons-nous de ses 400 000 visiteurs dont 150 000 jeunes.
Lors de son intervention liminaire, Céline Sala-Pons a prononcé des paroles fortes : « ce lieu tient debout dans le silence des pierres, un lieu qui n’oublie rien (…) un lieu de violence administrative et d’absurdité bureaucratique. » Voilà qu’aujourd’hui ce lieu d’exil, d’enfermement, de déshumanisation est devenu « un lieu de pensée, d’ouverture, une fenêtre sur des voix étouffées. »
Au Mémorial, on ne se contente pas de conserver, de garder, il s’y effectue un travail scientifique, de recherche, de culture avec de nombreux spectacles tout au long de l’année. L’idée est de « rendre la mémoire vivante. »
Notons aussi la présence forte de l’Éducation nationale avec des personnels détachés, un conseil pédagogique. Bien sûr le soutien de la Région, du Département dans le cadre de l’EPCC (Établissement public de coopération culturelle).
2025, l’acte II du Mémorial
Parce qu’en 10 ans, les publics ont changé, notamment les jeunes qui ont de nouvelles attentes. Parce que la connaissance historique a considérablement progressé, le Mémorial entame une nouvelle histoire avec toujours l’objectif de documenter, archiver le présent pour demain, pour transmettre.
Parmi les nouveautés citons, le 5 décembre 2025, un concours d’éloquence avec Robert Badinter pour parrain.
Le gros morceau sera la refonte scénographique de la salle des expositions permanentes en adaptant les contenus scientifiques et en renforçant le niveau d’accueil pour chaque public : présentoirs à hauteur d’enfant, îlots thématiques dispersés, grandes photos de témoins au fond. Modification aussi de la rampe d’accès où le public rencontrera des visages, des regards. Une première livraison des travaux est prévue en juin 2026.
Un outil essentiel
C’est avec beaucoup d’attention que nous suivons ce qui se fait au Mémorial. Se souvenir, transmettre, notamment en direction des jeunes générations, est indispensable pour connaître et analyser le présent. Céline Sala-Pons a pu, avec raison, utiliser le mot de « dérangeant » pour qualifier ce travail scientifique. Les récents propos inqualifiables d’un député RN à l’égard de la structure accusée d’être un « haut lieu du wokisme » sont un signe inquiétant. Accusation aussi ignoble qu’absurde, l’extrême droite est passée maître dans la falsification de l’histoire, dans les fakes news. Au Mémorial, on est confronté aux séismes qui ont marqué l’histoire de notre pays, on les touche du doigt, on a accès aux témoignages, aux analyses d’historiens…
Au public de se faire son opinion.
Dans le camp de Rivesaltes, entre 1941 et 1966, ont été enfermés Républicains espagnols, Juifs, Harkis, Tziganes… des « indésirables. » Tant d’années plus tard pourtant, le rejet de l’autre, de l’immigré est toujours là, il se trouve toujours des gens pour en taxer d’autres d’indésirables, parfois au plus haut niveau de l’État.
Tant d’années plus tard, on n’en a pas fini avec les camps ; Gaza, le Soudan… illustrent l’atroce répétition des horreurs de l’histoire.
C’est pour cela que le Mémorial est essentiel et mérite tout notre soutien.
Nicole Gaspon