LE TRAVAILLEUR CATALAN




« Mawṭinī » (Ma patrie) est un poème écrit en 1934 par le poète palestinien Ibrahim Touqan. Reconnue dans l’ensemble du Moyen-Orient, ce sera l’hymne Palestinienne jusqu’en 1996 et considéré comme le chant de soutien à la cause Palestinienne dans le monde.

Elle est l’écho de la résistance Palestinienne contre l’oppression et symbolise la volonté de chacun à l’autodétermination, à la liberté et l’indépendance. Ce texte, mis en musique par le compositeur libanais Mohammed Flayfel, s’est imposé au fil du temps comme une voix de la dignité palestinienne et un symbole plus large de la résistance arabe à l’oppression, à la colonisation et à l’oubli.

Mais au-delà de son adoption régionale, c’est en Palestine, sa terre d’origine, que « Mawṭinī » prend tout son sens. C’est là qu’elle est née, et c’est là qu’elle continue de vibrer comme un chant de lutte contre l’occupation, un rappel poétique d’une souveraineté volée et d’un avenir rêvé.

Un poème né dans les années noires du mandat britannique

Ibrahim Touqan a écrit « Mawṭinī » dans une période charnière de l’histoire de la Palestine. En 1934 : la Palestine est alors sous mandat britannique, imposé à la suite de la Première Guerre mondiale et de la chute de l’Empire ottoman. Le peuple palestinien subit une double domination : d’une part la colonisation britannique, et d’autre part, la montée de l’immigration sioniste, encouragée par les autorités coloniales, notamment après la Déclaration Balfour de 1917 qui promettait un « foyer national juif » en Palestine.

La société palestinienne vit une période de bouillonnement nationaliste. Les soulèvements se multiplient : la révolte de 1929, puis la Grande Révolte arabe de 1936-1939. Dans ce climat, les intellectuels, les poètes, les artistes deviennent des voix majeures de la résistance. L’auteur, à travers « Mawṭinī », fait entendre l’amour du pays, la volonté de vivre libre, et l’appel à se libérer de la domination étrangère.

Une chanson de dignité face à l’occupation

Depuis la Nakba de 1948, qui a vu l’expulsion de plus de 900 000 Palestiniens lors de la création de l’État d’Israël, « Mawṭinī » a pris un sens encore plus profond. Elle n’est plus seulement une évocation patriotique : elle devient un chant de la mémoire. Elle rappelle la terre perdue, les villages détruits, les oliviers arrachés, les familles dispersées.

Ces vers résonnent comme une affirmation de vie et d’espoir, dans un contexte où l’occupation cherche à écraser toute forme de résistance, qu’elle soit armée, politique, ou culturelle. En ce sens, chanter « Mawṭinī » devient un acte de résistance culturelle, une manière de dire : « Nous sommes toujours là. Nous avons une langue, une mémoire, une culture qui survivent à l’occupation. »

Un chant contre l’effacement culturel

Depuis des décennies, l’état sioniste mène une politique d’effacement et de réécriture historique : destruction de villages, appropriation de plats traditionnels, contrôle des programmes scolaires, interdiction de drapeaux palestiniens… Dans ce cadre, les chansons comme « Mawṭinī » deviennent des instruments de préservation de l’identité palestinienne.

Dans les camps de réfugiés au Liban, en Jordanie ou dans les territoires occupés, « Mawṭinī » est chantée par les enfants comme une transmission de la mémoire collective. Elle unit les générations. Elle rappelle une patrie que beaucoup ne connaissent qu’à travers les récits et les rêves. Elle rappelle aussi que cette patrie n’est pas une illusion, mais une réalité en attente de justice.

Porter la voix de la bande de Gaza

Depuis des années, la bande de Gaza est le théâtre de violations graves du droit international humanitaire, et ces dernières se sont intensifiées lors des offensives israéliennes récurrentes, en particulier depuis l’opération « Plomb durci » (2008-2009) jusqu’aux offensives les plus récentes, notamment celles de 2021 et 2023-2025. Plusieurs organisations de défense des droits humains, dont Human Rights Watch, Amnesty International, et les Nations unies, ont accusé Israël de commettre des crimes de guerre contre la population civile palestinienne.

Parmi les violations les plus documentées figure le bombardement indiscriminé de zones civiles densément peuplées.

Gaza est l’un des endroits les plus peuplés au monde, où la majorité de la population n’a nulle part où fuir. Les frappes touchent régulièrement des immeubles résidentiels, des écoles, des hôpitaux, des mosquées, des camps de réfugiés, provoquant des milliers de morts civils, dont un nombre très élevé d’enfants. Le principe de distinction, pilier du droit de la guerre, est ainsi systématiquement violé.

Autre aspect central : le blocus imposé à Gaza depuis 2007, qui constitue une forme de punition collective, interdite par la Quatrième Convention de Genève. En restreignant l’accès à la nourriture, aux médicaments, à l’eau potable, à l’électricité et aux matériaux de reconstruction, ce blocus a transformé Gaza en prison à ciel ouvert. Cela aggrave les souffrances de la population, en particulier lors des attaques, où les hôpitaux débordés manquent de tout.

Les forces israéliennes sont également accusées d’utiliser des armes interdites ou controversées, comme les bombes à fragmentation ou les obus au phosphore blanc, qui causent des brûlures atroces et frappent sans distinction. Par ailleurs, le ciblage de journalistes, de travailleurs humanitaires, et de convois médicaux a été largement dénoncé, ce qui pourrait constituer des crimes de guerre supplémentaires.

Enfin, le manque de mécanismes de justice renforce l’impunité : aucun haut responsable israélien n’a été jugé pour ces actes, malgré des rapports accablants. Les appels à des enquêtes internationales, notamment par la Cour pénale internationale (CPI), sont souvent bloqués ou ignorés.

Influence et héritage

Aujourd’hui, « Mawṭinī » est encore chantée dans des manifestations en Palestine, au Liban, en Syrie, en Irak et ailleurs. Elle reste un outil puissant de mobilisation collective, de mémoire historique, et d’expression culturelle. Son pouvoir symbolique réside dans sa capacité à incarner des valeurs universelles — la liberté, la dignité, l’autodétermination en tant que nation souveraine.

En 2023-2024, alors que la bande de Gaza est de nouveau sous les bombes et que la répression s’intensifie en Cisjordanie, « Mawṭinī » retrouve une résonance tragiquement contemporaine. Des vidéos montrent des jeunes Palestiniens chantant la chanson dans les décombres, dans les écoles détruites, dans les camps de réfugiés. Le poème de Touqan, écrit il y a près de 90 ans, continue de parler au présent, de dénoncer l’occupation, de porter l’espoir d’un avenir meilleur.

« Mawṭinī » n’est pas qu’un chant. C’est un engagement, un serment intime et collectif. Un serment de ne pas oublier, de ne pas céder, de continuer à rêver d’une Palestine libre, digne, unie. Dans un monde où l’occupation cherche à détruire non seulement les corps mais aussi les récits, « Mawṭinī » reste l’un des piliers de la narration palestinienne.

Tant qu’elle sera chantée, la Palestine continuera de dire au monde : « Je suis là. Je résiste. Je vis. »

Analyse des paroles

Dans ses paroles, la chanson « Mawṭinī », replaçant dans le contexte actuel, la lutte palestinienne et les valeurs universelles de liberté et de dignité.

« Ma patrie , ma patrie,
Vigueur et beauté, splendeur et gloire…
Sur tes collines, sur tes collines »

Dans cette ouverture, Ibrahim Touqan utilise un ton lyrique et solennel pour évoquer la terre natale comme un lieu sacré, empreint de noblesse et de beauté. Ce contraste avec la réalité coloniale de la Palestine sous occupation britannique (et plus tard israélienne) fait ressortir l’attachement profond à une patrie (traduit aussi comme pays) idéalisée, pure et lumineuse. La beauté n’est pas qu’esthétique : elle symbolise aussi la dignité et la légitimité d’un peuple enraciné sur sa terre.

« Te verrai-je,
en paix, prospère
victorieux et honoré ? »

Cette question, presque prière, est une des lignes les plus poignantes du poème. Elle traduit le sentiment d’exil intérieur : même en étant physiquement sur sa terre, le peuple palestinien est privé de paix, de sécurité et de reconnaissance. Elle reflète l’espoir d’un avenir libéré, où la Palestine recouvrerait sa souveraineté, sa fierté et sa pleine humanité. C’est aussi une attente douloureuse — celle de générations entières qui rêvent d’un État libre mais ne cessent de voir leur dignité bafouée.

« La jeunesse ne se lassera pas,
que par l’atteinte de l’indépendance,
ou elle mourra »

Cette phrase incarne l’esprit de résistance intergénérationnelle. Le poète met en avant le rôle central de la jeunesse dans la lutte pour la liberté. C’est une déclaration de persévérance : malgré les échecs, la répression et l’occupation, la jeunesse palestinienne ne renoncera jamais. Cette ligne résonne particulièrement dans les contextes contemporains, où les jeunes de Gaza, de Jérusalem ou des camps de réfugiés continuent de se battre avec courage, même face à un avenir incertain.

 
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