LE TRAVAILLEUR CATALAN

« Le despotisme expirera, La liberté triomphera,
Ah! Ça ira, ça ira, ça ira !
Nous n’avons plus ni nobles ni prêtres,
Ah! Ça ira, ça ira, ça ira ! »

Description

Chant de la révolution Française de 1789, interprété pour la première fois en 1790 par Ladré. Elle sera reprise par les sans-culottes et interdite sous le directoire.
Elle sera dans un premier temps un hymne révolutionnaire, puis chanson populaire ensuite chanson républicaine. Chant aux paroles souvent modifiées, elle symbolise, aujourd’hui, la lutte pour la justice sociale et l’équité.

Contexte historique et politique

La chanson a été composée par Ladré, un ancien soldat devenu chansonnier, sur une musique tirée du « Carillon national », un air populaire du violoniste italien Bécourt.
Le refrain « Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! » est inspiré d’une phrase célèbre de Benjamin Franklin, diplomate américain qui, lors de son séjour en France pour obtenir du soutien dans la guerre d’indépendance des États-Unis, aurait répété : « Ça ira, ça ira ! » pour exprimer son optimisme quant à la victoire américaine.
La chanson est un reflet de l’enthousiasme populaire en faveur de la Révolution et exprime l’espoir d’un avenir meilleur à travers l’abolition des privilèges et la mise en place d’une société plus juste.

Contexte de la révolution française

« Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! » apparaît au moment où la Révolution française entre dans une phase cruciale. Plusieurs éléments de contexte sont à noter :

  • La prise de la Bastille (14 juillet 1789) : Cet événement marque le début de la Révolution et l’effondrement de l’autorité royale.
  • La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (26 août 1789) : Elle pose les bases d’une société fondée sur l’égalité et la liberté.
  • La nationalisation des biens du clergé (novembre 1789) et la montée des tensions entre révolutionnaires et contre-révolutionnaires.
  • Les Fêtes de la Fédération (14 juillet 1790) : Cette chanson est particulièrement chantée lors de cette grande célébration qui commémore la prise de la Bastille et l’unité nationale.

Évolution et transformation de la chanson

« Ah ! ça ira ! » devient l’un des hymnes révolutionnaires les plus chantés dans les rues de Paris et lors des grands événements politiques.
Au départ, les paroles de la chanson sont modérées, exprimant un optimisme général et un soutien aux réformes en cours. Mais avec la radicalisation de la Révolution, notamment sous la Terreur (1793-1794), les paroles évoluent pour devenir beaucoup plus violentes et menaçantes envers les aristocrates et les ennemis de la République.
Ainsi, des versions ultérieures ajoutent des couplets appelant à la pendaison des aristocrates :
« Les aristocrates à la lanterne ! »
Ce type de slogan fait référence aux exécutions populaires où les nobles et contre-révolutionnaires étaient souvent lynchés par la foule et pendus aux réverbères, appelés « lanternes ».

Influence et héritage

Après la Révolution, la chanson a connu plusieurs périodes d’interdiction et de retour :

  • Sous Napoléon Ier (1804-1815) : Interdite car jugée trop subversive et révolutionnaire.
  • Sous la Restauration (1815-1830) : Les rois Louis XVIII et Charles X interdisent toute référence à la Révolution, et donc la chanson.
  • Révolutions de 1830 et 1848 : « Ah ! ça ira » est reprise par les républicains et les insurgés contre la monarchie.
  • Commune de Paris (1871) : Les communards chantent « Ah ! ça ira ! » comme un symbole de résistance contre le pouvoir bourgeois.

« Ah ! ça ira ! » est bien plus qu’un simple chant révolutionnaire. Son influence dépasse la Révolution française et s’étend à travers les siècles comme un symbole puissant de lutte et de changement politique.

« Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! » continue d’être chantée lors de manifestations et événements politiques :

  • Dans certaines manifestations politiques modernes, notamment celles en faveur de la justice sociale et contre les inégalités.
  • Dans les mouvements ouvriers et révolutionnaires du XIXe et XXe siècles.
  • Lors de rassemblements républicains en France, comme une référence aux idéaux de 1789.

Analyse des paroles

Les paroles évolue avec la Révolution : D’abord modérée, puis radicale, elle reflète l’escalade de la violence entre 1789 et 1794.
Le refrain est simple mais puissant :

« Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Le peuple en ce jour sans cesse répète :
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Malgré les mutins, tout réussira. »

Une certitude du triomphe : « Tout réussira » montre que le peuple croit en la victoire du mouvement révolutionnaire malgré les obstacles.
Opposition aux « mutins » : Les « mutins » désignent les ennemis de la Révolution (aristocrates, contre-révolutionnaires).
Premières versions : une révolution pacifique ?
Les premiers couplets, dans leur version de 1790, restent relativement modérés et mettent en avant l’idée d’une réforme pacifique de la société :

« Les aristocrates, on les pendra !
Si on ne les pend pas, on les rompra !
Si on ne les rompt pas, on les brûlera !
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! »

Un changement progressif du ton : D’abord, la chanson parle de changements politiques sans violence. Mais très vite, la menace se fait plus explicite.
Une exécution symbolique : Au départ, « pendre les aristocrates » peut être vu comme une image de leur perte de pouvoir plutôt qu’un appel à la violence directe.
Radicalisation sous la Terreur (1792-1794) : un appel au châtiment des nobles
Avec la chute de la monarchie en 1792 et l’entrée dans la période de la Terreur (1793-1794), les paroles de « Ah ! ça ira ! » deviennent beaucoup plus violentes :

« Les aristocrates à la lanterne !
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Les aristocrates, on les pendra !
Si on ne les pend pas, on les fusillera ! »

Appel explicite à la violence : La chanson reflète la radicalisation du mouvement populaire.
« À la lanterne » : Référence aux exécutions populaires où les nobles et traîtres présumés étaient pendus aux réverbères (appelés lanternes).
Rupture totale avec l’Ancien Régime : Il ne s’agit plus de réformes, mais de la destruction pure et simple de l’aristocratie.

Paroles

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Le peuple en ce jour sans cesse répète,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Malgré les mutins tout réussira.

Nos ennemis confus en restent là,
Et nous allons chanter Alléluia,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Quand Boileau jadis du clergé parla,
Comme un prophète il a prédit cela,
En chantant ma chansonnette.
Avec plaisir on dira :
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira, ça ira !
Malgré les mutins tout réussira.

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Pierrette et Margot chantent à la guinguette,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Réjouissons-nous, le bon temps viendra.

Le peuple français jadis à qui a,
L’aristocrate dit Mea culpa.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Le clergé regrette le bien qu’il a,
Et c’est justice, la nation l’aura,
Par le prudent Lafayette,
C’est fini ce trouble s’apaisera.
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira, ça ira !
Malgré les mutins tout réussira.

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Suivant la maxime de l’évangile,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Du législateur tout s’accomplira.

Celui qui s’élève on l’abaissera,
Celui qui s’abaisse on l’élèvera,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Le vrai catéchisme nous instruira,
Et l’affreux fanatisme s’éteindra,
Pour être à la loi docile.
Et chaque Français s’exercera,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira, ça ira !
Malgré les mutins tout réussira.

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Le peuple en ce jour sans cesse répète,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Et dans deux milles ans on s’en souviendra.

Le despotisme expirera,
La liberté triomphera,
Ah ! Ça ira, ça ira, ça ira !
Nous n’avons plus ni nobles ni prêtres,
Ah ! Ça ira, ça ira, ça ira !
L’Égalité partout régnera.
L’esclave autrichien le suivra,
Ah ! Ça ira, ça ira, ça ira !
Et leur infernale clique,
Au diable s’envolera.

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Les aristocrates à la lanterne,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Les aristocrates on les pendra.

Pour aller plus loin

« Le peuple ne demande que le nécessaire, il ne veut que justice et tranquillité ; les riches prétendent à tout, ils veulent tout envahir et tout dominer.
Les abus sont l’ouvrage et le domaine des riches, ils sont les fléaux du peuple : l’intérêt du peuple est l’intérêt général, celui des riches l’intérêt particulier »
Maximilien de ROBESPIERRE – Club des Cordeliers, 20 avril 1791

Thomas Le Buzulier (https://parolesrevoltees.com/)

 
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