
Perpignan
À l’invitation du Travailleur Catalan, les principaux médias du département et La Marseillaise ont croisé leur point de vue sur les attentats de janvier 2015.
Il est des dates qui laissent comme une marque indélébile dans les mémoires. Chacun se souvient de ce qu’il faisait ce mercredi 7 janvier 2015 quand, au temps du midi, la nouvelle s’est répandue : un attentat venait d’être commis dans les locaux de Charlie Hebdo.
Quelque chose, ce jour-là, a basculé. Nos consciences ont été heurtées par une réalité que peut-être nous ne voulions pas voir, drapés dans la France éternelle des droits de l’homme et de la fraternité. La réalité que, dans le monde, vont et viennent des hommes et des femmes fanatisés, prêts à tout pour abîmer un mode de vie et des valeurs qu’ils rejettent. Peu importe au nom de quel tyran, vivant ou immatériel. Ils tuent celles et ceux qu’ils haïssent pour ce qu’ils sont. Ici des journalistes, des dessinateurs de presse. Là des juifs dans une épicerie de quartier. Quelques mois plus tard, une jeunesse rieuse et vive aux terrasses des cafés ou dans une salle de concert, lieux par excellence de « l’être-ensemble ».
Dix ans après, se souvenir
Dans les Pyrénées-Orientales, c’est à l’initiative du Travailleur Catalan que s’est tenu l’hommage le plus signifiant aux morts de Charlie, sous la forme d’un débat sur la liberté d’expression rassemblant les responsables de presse du département dans leur riche diversité : télévision, radio, presse écrite quotidienne ou hebdomadaire et leurs prolongements sur internet. S’il fallait retenir une chose de l’heure et demie qu’a duré le débat, un mot s’imposerait : le combat. Pas dans le sens de celui, sanglant, que mènent les terroristes. Mais dans un paysage fortement dégradé par les concentrations de médias entre les mains de milliardaires dont il est clair que les visées sont autant sinon plus idéologiques qu’économiques ; dans un temps de confusion sournoisement entretenue par des réseaux sociaux livrés à tous les excés libertariens ; dans une époque de post-vérité visant l’effondrement des valeurs humanistes et de progrès… un combat pour la liberté d’expression est plus que jamais d’actualité. Ce combat, des journalistes le mènent chaque jour. Liberté d’expression : elles et ils écrivent son nom. Certains au prix fort : cinquante-quatre ont été tués en 2024 dans l’exercice de leur fonction, 550 sont détenus dans les geôles des dictateurs(1). Les enseignants ne sont pas épargnés non plus, qui se mêlent d’éduquer les jeunes publics à l’information : Samuel Paty a été assassiné parce qu’il parlait à ses élèves de liberté d’expression. Ce combat, des médias le mènent aussi malgré une violente pression économique : L’Humanité, la Marseillaise, Mediapart, Reporterre – ils sont plus nombreux qu’on ne croit -, sans oublier le service public de radio et de télévision… et plus près de nous, notre cher « TC ». Toujours debout. Aujourd’hui, la question n’est donc pas tant de balancer entre optimisme et pessimisme mais d’être résolument vigilant. La vérité est exigeante. La liberté aussi.
Serge Bonnery
(1) Bilan annuel de Reporters sans frontières