LE TRAVAILLEUR CATALAN

Le résistant communiste arménien Missak Manouchian est rentré avec sa femme Mélinée dans le sanctuaire des grands hommes. C’est l’aboutissement d’un combat de quinze ans. Et une tardive reconnaissance du rôle des communistes dans la Résistance et des étrangers dans l’édification de la France.

Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, a salué « une injustice réparée ». « C’est non seulement la Résistance communiste qui rentre enfin dans le temple de la mémoire nationale mais c’est aussi toutes ces femmes et ces hommes nés sur un autre sol et qui, pour la France, luttèrent et sacrifièrent leur vie ».

Un comité de parrainage s’était constitué avec Jean-Pierre Sakoun, militant laïque et républicain, Katia Guiragossian, petite-nièce de Mélinée et Missak Manouchian, Pierre Ouzoulias, vice-président PCF du Sénat, Nicolas Daragon maire LR de Valence, Denis Peschanski et Aline Girard secrétaire générale d’Unité laïque.

Pour Jean-Pierre Sakoun, « Il était temps que rentre au Panthéon un communiste, mais aussi un ouvrier, un étranger et un poète ». Denis Peschanski précise que : « Missak Manouchian a demandé deux fois la nationalité française, en 1933 et en janvier 1940. Parmi ces étrangers, il y a évidemment une sensibilité antifasciste et antinazie particulièrement forte qui fait qu’ils vont être parmi les premiers dans la lutte armée. » Pierre Ouzoulias pour sa part trouve que : « le destin singulier de Manouchian fait le lien entre le génocide arménien de 1915 dont ses parents ont été victimes et la Shoah. »

80 ans après son exécution

Enfin, la rue Soufflot a vu à la nuit tombante le cercueil, recouvert d’un drapeau tricolore, remonter jusque dans la nef du Panthéon, accueilli par la musique du compositeur Pascal Dusapin. Devant 1 200 invités dont 600 scolaires, le président de la République a prononcé l’oraison de ce « Français de préférence qui a choisi l’universalisme français ». Arthur Teboul, chanteur du groupe Feu ! Chatterton, a repris le poème d’Aragon « Strophes pour se souvenir ». Le résistant a rejoint le caveau XIII, où il repose avec Mélinée, Josephine Baker et Maurice Genevoix pour l’éternité. Les noms des membres du groupe Manouchian, ainsi que celui de leur chef, Joseph Epstein, sont rivés, en lettres de bronze, sur l’un des murs de la crypte.

Jacques Pumaréda

Un charmant petit enfant

a songé toute une nuit durant

Qu’il fera à l’aube pourpre et douce
Des bouquets de roses.

Traduction d’un poème écrit par Missak Manouchian à l’orphelinat de Jounieh.

Biographie

Missak Manouchian est né le 1er septembre 1906 à Hısn-Mansur (Empire ottoman) et mort fusillé le 21 février 1944 à la forteresse du Mont-Valérien (France).

Il a neuf ans en 1915, au début du génocide arménien, quand son père, Kevork, est tué les armes à la main, alors que gendarmes turcs et auxiliaires de fortune mènent une féroce répression contre les nombreuses milices d’autodéfense qui se sont constituées pour protéger des massacres les quelque cinq mille Arméniens de la province. 

Malade, sa mère, Vardouhi Kassian, meurt quelque temps après son mari, affaiblie par la famine qui sévit. Lui-même et son frère Garabed sont sauvés par une famille kurde qui les recueille. À la fin de la Première Guerre mondiale, il est pris en charge par la communauté arménienne et transféré avec son frère dans un orphelinat ouvert par la Sauvegarde du Proche- Orient, organisme humanitaire au sud de Jbeïl, dans ce Liban qui passe sous contrôle français en 1918.

Formé au métier de menuisier, il se réfugie en septembre 1924 en France, pays de « préférence » qu’adopte son épouse Mélinée. Ouvrier tourneur, autodidacte, il s’engage à la suite de la crise du 6 février 1934 dans le mouvement antifasciste qu’anime le Parti communiste français. En juillet 1935, il devient cadre de l’Internationale communiste en accédant à la direction du journal Zangou, publié par la Section française du Comité de secours pour l’Arménie, puis de l’Union populaire franco-arménienne, relais de l’organisation Main-d’œuvre immigrée (MOI) de la CGTU auprès des ouvriers arméniens.

Militant clandestin depuis juin 1940, il est arrêté au lendemain de l’attaque allemande contre l’URSS. Rapidement libéré, il est ensuite versé en février 1943 dans les FTP-MOI de la région parisienne, qui ont pris la succession de l’Organisation spéciale. Alors que les arrestations s’enchaînent, il est choisi en août 1943 pour en être commissaire militaire et est arrêté trois mois plus tard par les Brigades spéciales après une longue filature. Figure de la résistance armée, il meurt, comme il l’écrit à son épouse, « en soldat régulier de l’Armée française de la Libération » avec vingt-deux de ses camarades, qui formaient le « Groupe Manouchian ».

J. P.

 
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