
Description
Chant écrit par Aristide Bruant en 1894 en hommage aux Canuts de la soie Lyonnais et de leurs révoltes aux cours de la première moitié du XIXe siècle.
Leurs revendications inspireront grandement les mouvements socialistes et libertaires pendant les siècles à venir, de Karl Marx à Proudhon jusqu’à aujourd’hui.
Contexte historique et politique
Aristide Bruant, chansonnier populaire et poète engagé rend hommage aux Canuts, les ouvriers de la soie de Lyon, et dénonce leur condition de travail difficile sous l’exploitation des grands industriels. Le chant fut repris et popularisé par Les Compagnons de la Chanson au XXe siècle.
Les Canuts : un symbole de la lutte ouvrière
Les canuts étaient les artisans tisserands de la soie à Lyon, principalement installés dans le quartier de la Croix-Rousse. Ils travaillaient dans des conditions extrêmement difficiles :
De longues journées de travail (souvent plus de 12 heures).
Des salaires misérables, dépendant des négociants en soie qui achetaient leur production à des prix très bas.
Une absence de droits sociaux (pas de protection en cas de maladie ou d’accident).
Lyon était alors un centre industriel majeur du textile, et la ville abritait une population ouvrière nombreuse et souvent révoltée contre l’exploitation.
Les grandes révoltes des Canuts (1831 et 1834)
La chanson fait écho aux deux grandes insurrections des canuts, qui sont considérées comme des préfigurations des luttes ouvrières et socialistes du XIXe siècle.
La révolte de 1831 : Face à une baisse drastique des prix de la soie et à la misère grandissante, les canuts réclament un tarif minimum garanti pour leur travail.
Leur devise devient : « Vivre en travaillant ou mourir en combattant ». La révolte éclate en novembre, et les ouvriers prennent le contrôle de Lyon pendant plusieurs jours. Finalement, l’armée intervient brutalement et réprime la révolte.
La révolte de 1834 : Encore plus radicale, cette insurrection est violemment réprimée par le gouvernement de Louis-Philippe. Près de 600 ouvriers sont tués, 10 000 soldats sont envoyés pour mater l’émeute, et des centaines d’ouvriers sont arrêtés ou déportés.
Ces révoltes sont emblématiques de la naissance de la conscience de classe ouvrière et des premières revendications sociales face au capitalisme industriel naissant.
Influence et héritage
« Le Chant des Canuts » est devenu un hymne ouvrier et révolutionnaire, chanté dans les manifestations et mouvements syndicaux.
Il a été repris par de nombreux artistes engagés et reste un symbole de la lutte contre l’exploitation.
Lyon, et en particulier la Croix-Rousse, garde une mémoire forte de ces révoltes, et le quartier est encore marqué par son passé ouvrier.
Analyse des paroles
Le texte de la chanson est empreint d’ironie et de critique sociale. Il met en avant le paradoxe des canuts qui, malgré leur travail acharné, restent dans la misère tandis que les riches bourgeois profitent de leur labeur.
Quelques extraits marquants
« C’est nous les canuts, nous allons tout nus »
Ce passage illustre la pauvreté extrême des ouvriers, en contraste avec les riches négociants qui vendent leurs étoffes luxueuses.
« Nous tisserons le linceul du vieux monde.
Car on entend déjà la tempête qui gronde »
Cette dernière phrase est une référence explicite aux mouvements socialistes et révolutionnaires.
Le linceul du vieux monde fait référence a la pièce de toile dans laquelle on ensevelit les morts, comme pour enterrer les privilèges des classes dominantes.
Elle annonce l’idée que la classe ouvrière est celle qui va renverser l’ordre établi, une idée qui sera reprise plus tard par Karl Marx et les théories communistes.
Paroles
« Pour chanter Veni Creator Il faut une chasuble d’or. (bis)
Nous en tissons pour vous, grands de l’église
Et nous, pauvres canuts, n’avons pas de chemise.
C’est nous les canuts
Nous sommes tout nus.
Pour gouverner, il faut avoir Manteaux ou rubans en sautoir. (bis)
Nous en tissons pour vous grands de la terre
Et nous, pauvres canuts, sans drap on nous enterre.
C’est nous les canuts
Nous sommes tout nus.
Mais notre règne arrivera Quand votre règne finira. (bis)
Nous tisserons le linceul du vieux monde,
Car on entend déjà la tempête qui gronde.
C’est nous les canuts
Nous n’irons plus nus »
Thomas Le Buzulier (https://parolesrevoltees.com)