LE TRAVAILLEUR CATALAN

Souvenirs d’enfance…Les choucroutes!

Quand j’étais enfant, les dimanches c’était pas rien ! Mes soeurs sortaient, et soignaient leur coiffure choucroute. Choucroute ? Vraiment ? Moi, je me demandais où elles allaient caser les saucisses dans cette montagne de cheveux laqués…

Mes sœurs,

C’est dimanche. Je le sais parce que mes sœurs écoutent à la radio le matin des chansons yéyé en se faisant des choucroutes. Les choucroutes c’est une coiffure. Elles prennent un peigne, une mèche de cheveux, et elles font un mouvement très vite avec le peigne. Et ça gonfle. Et elles recommencent avec une autre mèche jusqu’à ce que toute leur tête ressemble à un gros gâteau. Les autres jours elles n’ont pas le droit d’écouter la radio le matin. Maintenant ça sent la laque dans toute la maison. J’aime bien mais ça me fait tourner le tête. Tout a l’heure elles vont partir en poussant des petits cris et en époussetant leur robes Vichy.

Maman,

Maman nettoie le Mercurochrome de mon genou. La croûte est dure maintenant. Et le rouge c’est pas beau avec les culottes courtes. Je résiste à l’envie d’enlever la croûte avec mon ongle. Si ça saigne je vais me faire engueuler. Le costume est bleu clair. Culotte courte et veste. La chemise est blanche. En toile. Boutonnée jusqu’en haut. Avec une pochette. Mais j’ai pas le droit de m’en servir pour y mettre un soldat en plastique. C’est mon préféré. Il est vert. Il tient une grenade à la main et se prépare à la lancer. Maman dit que si je le mets dans ma pochette elle va se déformer. Elle me coiffe avec un peigne fin et plaque mes cheveux en les mouillant avec de l’eau de Cologne. J’aime bien la bouteille. On voit comme une montagne avec une église dessus. Maman dit que c’est la meilleure la Mont Saint Michel. J’ai des chaussures noires. Celles du dimanche. J’aime pas ces chaussures elles me font des ampoules au talon. Richard, le voisin d’en face a les mêmes. Enfin lui il dit que c’est moi qui l’ai copié. Il les mets aussi ce matin, mais lui c’est pour aller a la messe. Moi je sors avec mon père. C’est dimanche. Ma mère retrousse le haut de mes chaussettes blanches. Elle dit que c’est pour éviter que ça tire bouchonne. Je comprends pas ce que ça veut dire. Quand elle se penche pour retrousser mes chaussettes, j’en profite pour sentir ses cheveux. Ça sent bon. Je ne connais aucune odeur semblable. Un mélange étrange, d’eau de Cologne, de transpiration propre et de linge frais. Je suis prêt. Mon épi a été vaincu par ma mère. Et par une bonne dose d’eau de Cologne.

Mon père,

Mon père vient me voir. Il me regarde. Il a l’air satisfait. Il me sourit et me prend par la main. On descend au garage et je monte dans la 4 L. Elle est rutilante. Mon père a un garage automobile. Il la chouchoute cette voiture. Le siège grince un peu et je sens la tubulure sous mes cuisses nues. J’aime l’odeur d’essence et de graisse du garage propre. Scrupuleusement propre. Nous partons. Après avoir garé la 4L près du café de la patte d’oie, mon père ferme la voiture. Mais personne ne la volera. Tout le monde connaît mon père ici. Les gitans et les vieux républicains postés devant le bistrot, comme s’ils étaient là depuis toujours, nous saluent. Un vieux type avec juste une dent devant et en bas, me frotte la tête au passage devant lui, en marmonnant des mots que je ne comprends pas. Et voilà mon épi qui revient. Je le sens se dresser sur ma tête. C’est malin ! Nous rentrons dans le bar, mon père me tient bien la main. Ça sent la bière et le cigarillo. J’adore cette odeur. J’en ai presque honte. Mon père lui, fume des gitanes sans filtre. Par terre, c’est rempli de petits confettis allongés. Ça fait comme un tapis. Mon père commence à faire la queue. Il me dit de m’installer à une table et commande à Pedro, le patron, un sirop de citron. Pedro m’apporte le verre avec le sirop jaune au fond. Il se tourne vers une table où des gens, casquettes et béret, pantalons velours côtelé, boivent des Byrrh citron eau de seltz. Il prend le siphon, magnifique avec un haut métallique brillant, et envoie un jet d’eau de seltz dans mon verre. Je regarde les bulles monter le long du verre. Mon père a retiré son ticket de PMU, il sort de sa poche une pince spéciale, et fait des encoches sur le ticket carré. Les confettis allongés tombent et rejoignent les autres sur le carrelage bordeaux. Mon père me regarde. Je sens son amour mais je ne sais pas encore que c’est un moment précieux. Il me montre le ticket, l’embrasse et se tourne pour le faire enregistrer.

Souvenirs d’enfance :

Nos venons de faire notre tiercé. C’est dimanche.

 
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