Cinéma

Isabelle Huppert est une de ces femmes qui ont le mieux interprété sur le grand écran la lutte de celles qui ont dû faire face à l’ordre moral d’une société profondément machiste.

Le CCAS de Céret proposait, le 8 mars 2023, à l’occasion de la journée de lutte pour les droits des femmes, la projection de « Une affaire de femmes » de Claude Chabrol, sorti en 1988, avec Isabelle Huppert, Marie Trintignant, Aurore Gauvin, Lolita Chammah, Nils Tavernier et François Cluzet.  

Le cadre ? Après la débâcle, une petite ville de Normandie où les juifs étaient envoyés dans les camps d’extermination et où les communistes et tous ceux qui résistaient à l’oppression étaient pourchassés, torturés et tués, Dans ce contexte, Marie, principal personnage du film, devenue avorteuse après avoir utilisé sur elle-même avec un certain succès l’injection d’une eau imbibée de moutarde, libérait son entourage féminin d’une maternité non désirée et, grâce à l’argent gagné, s’affranchissait d’une servitude conjugale grise et pesante, profitant ainsi d’une petite lucarne de plaisir qu’elle pouvait s’offrir. Elle en paiera le prix fort face à une justice expéditive et hypocrite où son sort tragique servira d’exemple à celles et ceux qui ne voudront pas respecter la règle du jeu du productivisme nataliste de ces années de plomb. 

Á partir d’une analyse sensible de la condition féminine dans le contexte de l’occupation de la France par les nazis, l’expression d’une souffrance qui dépasse largement l’expression d’une condition sociale précaire crevait l’écran et incitait les spectatrices et spectateurs à porter notre réflexion autant que nos réactions au-dessus d’une vision binaire de la condition humaine. 

Sans nul doute, quand une équipe artistique sait recréer dans le mouvement la souffrance certes, mais aussi l’inépuisable énergie au féminin pluriel, elle sait nous faire dépasser le constat pour imaginer au moins de sortir du pire des scénarios de la vie. 

Yvon Huet